De la poésie, René-Guy Cadou, un poète qu’on lit encore à l’école, aimait dire qu’elle est « inutile comme la pluie » : vitale, ignorée, vaguement méprisée, pourtant aussi essentielle que l’air qu’on respire ou le feu qu’on rallume après l’orage. De la joie, on pourrait dire tout pareil. Mais qu’ont-elles en commun, ces deux drôles de fées, la poésie et la joie, qui pourraient justifier qu’on s’en préoccupe plutôt que d’en profiter comme d’un quelconque divertissement ? À première vue, même joliesse et même insignifiance. On laisse la poésie aux adolescents, la joie aux tout petits enfants. On saute de joie, on savoure des poèmes.
Article issu de notre numéro juin-juillet 2022 « La joie malgré les défaites », disponible en kiosques, librairies et sur notre boutique en ligne.

Alors qu’on nage dans le bonheur et qu’on écrit des livres, activités fort sérieuses, relevant déjà du travail, on se contente de batifoler avec la joie et de faire joujou avec les vers. Tout cela sonnerait même, pour un peu, vaguement mystique – la joie parfaite, la grâce et tout l’attirail spirituel des grands rêveurs d’absolu n’est pas sans décontenancer le commun des mortels. À seconde vue, même...