Financement et cinéma

Financement d'un film : « T'a pas 4 millions ? »

Photo de Noom Peerapong sur Unsplash

En 2022, le devis moyen des films français était légèrement supérieur à 4 millions d’euros. Coïncidence, c’est justement le budget envisagé pour votre nouveau projet en tant que producteur. Vous ne savez pas comment réunir cette somme ? Alors suivez-nous !

1 - Canal historique

La perspective d’une sortie de votre film est encore lointaine et vous devez déjà songer à sa diffusion télé ! Une part substantielle de votre budget est en jeu au moment de toquer aux portes des chaînes payantes, tenues par des obligations de financement. Vous commencez bien sûr par Canal+, mettant en sourdine vos préventions d’usage à l’égard de Vincent Bolloré. En 2022, la chaîne cryptée a préacheté 104 films d’initiative française (FIF) et les sommes mises sur la table ont en moyenne couvert 19 % du devis des œuvres financées, selon un rapport du CNC de mars 2023. Bravo, Canal+ est emballé et diffusera votre film six mois après sa sortie ! Même Ciné+ accepte de mettre au pot. La bonne nouvelle vous fait oublier vos déboires avec Netflix, Amazon Prime Vidéo et Disney+, qui vous ont ri au nez. Les chances étaient minces. Ces plateformes n’ont financé que 17 films tricolores l’année dernière.

Montant récolté : 850 000 euros

Article à retrouver dans notre hors-série « Manuel d'autodéfense intellectuelle », en kiosque, librairie et sur notre boutique.


2 - C'est pas clair

Convaincre Canal+ était une chose. C’en est une autre de se mettre TF1, France 2 ou M6 dans la poche, surtout depuis que Jean Dujardin vous a filé entre les doigts. Sans lui, les chaînes s’interrogent sur le potentiel de votre film auprès du grand public. Privées ou publiques, elles préfèrent préacheter ou coproduire des œuvres garantissant des audiences conséquentes, à la fois plus chères et moins risquées à leurs yeux. Vous étiez prévenu. En 2022, le budget moyen des 84 films qu’elles ont financés était supérieur à 7 millions d’euros, 43 % avaient un budget dépassant cette barre et ces productions richement dotées ont aspiré près des trois quarts des 111 millions d’euros investis. Pour la prochaine fois, pensez au moins à contacter Gilles Lellouche avant votre rendez-vous à France Télévisions.  

Montant récolté : 0 euro

3 - Vous avez un mandat ?

Il est temps de penser au grand écran ! Pour cela, il faut un distributeur, l’intermédiaire indispensable entre vous et les cinémas. Vous lui cédez dès maintenant les droits d’exploitation de votre film en contrepartie de nouvelles avances financières. Il reviendra ensuite au distributeur de négocier la diffusion de votre bébé avec les exploitants de salles. En plus de ce mandat de vente, il s’occupera de la promotion, en confectionnant bandes-annonces et affiches. La société avec laquelle vous faites affaire, Les Films du Rectangle, se chargera même de vendre votre film auprès des distributeurs étrangers. L’année dernière, l’ensemble de ces mandats a couvert en moyenne près de 13 % des devis des films français

Montant récolté: 500 000 euros

4 - Le CNC a de l'avance

Vous voici au CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, face à la commission plénière de l’avance sur recettes. Créée en 1959 par André Malraux, cette avance est l’une des grandes spécificités de la politique cinématographique française. Elle est financée via la TSA, la taxe spéciale additionnelle d’un peu plus de 10 % prélevée sur chaque billet de cinéma vendu. Mais les places sont chères. L’année passée, un quart des films français ont bénéficié de l’avance, qui représentait 12 % du devis en moyenne. Alors, pendant un quart d’heure, vous donnez tout pour défendre votre dossier après avoir passé l’étape du comité de lecture. Vous mettez en avant l’ambition, la singularité, l’originalité de votre film. Autant d’arguments qui devraient convaincre la majorité des membres de la commission de voter pour vous. Votre présentation impeccable les subjugue ! Dans votre euphorie, n’oubliez pas que 25 à 80 % de l’avance est normalement remboursable...

Montant récolté : 480 000 euros

5 - Sofica 

Palatine Étoile 21, Cinémage 18, Cinéventure 9... Des combinaisons indéchiffrables pour beaucoup de spectateurs. Ces « sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle » n’auront aucun secret pour vous. Commencer par les appeler par leur petit nom, Sofica. Depuis 1985, elles s’occupent de collecter des fonds auprès de particuliers et de les injecter dans le cinéma français en contrepartie de droits sur les futures recettes. Leurs souscripteurs peuvent quant à eux prétendre à une réduction d’impôt sur le revenu allant jusqu’à 48 % des sommes versées. En théorie, les investissements des Sofica ne peuvent excéder 50 % d’une œuvre. En pratique, elles ont participé au financement de 108 films français en 2022 pour un investissement moyen couvrant 7 % du devis.

Montant récolté : 300 000 euros

6 - Vous aviez région

C’est l’avantage d’avoir situé une partie de votre thriller pendant la braderie de Lille, avec pour point d’orgue une course-poursuite entre des montagnes de moules : la région Hauts-de-France vous donne un coup de pouce. L’année dernière, elle a consacré 1,2 million d’euros pour contribuer au financement de 8 films. Dans l’ensemble, 116 longs-métrages se sont réparti les 22 millions d’euros d’aides des collectivités territoriales, métropoles et régions confondues. Sans surprise, c’est la région Île-de-France qui a été la première région contributrice (34 films et 7,8 millions d’euros).

Montant récolté : 140 000 euros

7 - L'école franco belge

Dès le début de votre quête, vous n’avez pas limité vos horizons comptables à nos frontières. En 2022, les apports venus de l’étranger ont assuré un peu plus de 7 % du devis des films initiés en France. Comme l’un de vos trois personnages principaux est censé être originaire de Liège (ou de Namur, cela fait encore l’objet de débats avec Bouli Lanners), vous êtes allé chercher un partenaire en Belgique. Le plat pays demeure une valeur sûre pour les coproductions majoritairement françaises, avec 31 films financés en 2022, loin devant l’Italie, l’Allemagne, le Canada et la Suisse. 

Montant récolté : 290 000 euros

8 - Crédit restant

Vous avez déjà réussi à réunir 2,5 millions d’euros pour votre long-métrage, félicitations ! Ne restent donc plus que les apports du producteur, c’est-à-dire... vous. En moyenne, ils représentaient l’année dernière près de 40 % des devis. Avant de paniquer, sachez qu’une partie de cette somme sera couverte par le crédit d’impôt cinéma. Instauré en 2004 afin d’encourager la production des films sur le sol français, il pourra atteindre 30 % des dépenses éligibles. Sur les 616 films qui en ont bénéficié entre 2016 et 2022, il s’élevait en moyenne à 16 % de leur coût total de production. 

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