Comme une grosse mouche métallique, l’hélicoptère bleu passe en vol stationnaire quelques instants pour évaluer les convulsions du cortège. Au sol, l’horizon se brouille. Impossible de distinguer où commence le ciel de cendres et où s’arrêtent les nuages de gaz lacrymogènes. Le 29 octobre 2022, un déluge d’engins explosifs et assourdissants s’abat sur la campagne poitevine autour du village de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Quelque 1 700 représentants des forces de l’ordre et pas moins de 7 000 manifestants se font face dans un impitoyable capture the flag champêtre. Chaque détonation disperse des grappes de manifestants dans les champs façon pop-corn, soulève des mottes, creuse des trous dans les chairs et dans la terre.
Tout ça pour en protéger un autre, de trou : celui d’une méga-bassine en construction. Un groupe d’opposants parvient soudain à faire une percée dans le cordon de gendarmes mobiles et à escalader le talus. Des cris de joie se font entendre. Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, soulève triomphalement son mégaphone : « La préfète devra signer ce soir sa lettre de démission, on a réussi ! On est entré sur le chantier ! » Un filet de sang séché serpente sur son visage enserré par un bandage blanc qui donne à son crâne des airs d’œuf de Pâques. Un peu plus tôt, il a reçu un coup de matraque alors qu’il...