Portrait

Portraits d'invisibles : le quotidien du personnel de magasin

Caroline Delboy

Rendues soudainement visibles, certaines personnes aux métiers en temps normal dépréciés et précaires, sont aujourd'hui applaudies. Caroline Delboy réalisatrice de la série de portraits photo et audio « Invisibles », donne la parole aux individus en première ligne de la crise. À l'écoute aujourd'hui, le quotidien du personnel de grandes enseignes alimentaires.


Annie est caissière à Monoprix. 

« Depuis le confinement, c’est l’horreur. Les clients sont prêts à bondir alors qu’à l’heure actuelle, il faudrait faire preuve de patience… c’est presque oppressant. » 
 
« La hiérarchie ne veut rien entendre quand il s’agit de mettre en place des mesures de sécurité. Il a fallu quémander des masques et des gants. »
 
« Nous avons des vitres en plexi, mais dans la mesure où les gens placent leur tête sur les côtés, celles-ci ne servent absolument à rien. »
 
« J’ai vraiment l’impression d’être de la chair à canon. Je n’ai jamais travaillé dans un stress pareil. »
 
« On a des salaires tellement minables, si on se met en arrêt maladie, on va tirer la langue… »
 
« Ils [Monoprix] sont conscients de l’opportunité que cela représente pour eux, ils veulent à tout prix que ça tourne à plein régime, et pour ça ils n’ont pas le temps de faire en sorte que ça se passe bien pour nous. Ils ont juste envie de remplir les tiroirs-caisses. » 
 
« On a l’impression d’être envoyé au front. Plus le temps passe, plus je vois les conditions se dégrader. Je me dis qu’à l’époque j’ai fait une erreur, j’aurais dû essayer de trouver quelque chose dans un autre domaine. »
 
Abdullah est agent de sécurité depuis 18 ans et travaille dans un magasin d’alimentation en région parisienne. 
 
« Nous aussi, nous sommes très très exposés, que cela soit avec le personnel du magasin ou avec les clients. »
 
« Nous sommes la première barrière face à cette épidémie, mais nous ne sommes pas reconnus à notre juste valeur. »
 
« Nous sommes obligés d’acheter des produits d’entretien pour désinfecter les lieux où l’on travaille. »
 
« Nous avons au moins d’une dizaine de collègues à nous qui sont morts. Des agents que je connais. On les a perdus alors qu’ils avaient seulement la quarantaine, et on n’en parle pas beaucoup. »
 
« On a toujours été exposés. Au bataclan, pendant les attentats, les premières victimes étaient des agents de sécurité qui étaient aux portes. »
 
« Un agent de sécurité, c’est un smicard, il touche 1 200 € par mois. Quand on a une famille, à la fin du mois, il ne reste plus rien. »

Flavy travaille dans un magasin biologique en Loire-Atlantique. 
 
« La direction a mis en place toutes les mesures qui étaient possibles. Nous avons eu les félicitations de la part d’un docteur qui remarquait que ce n’était pas forcément le cas dans tous les commerces. »
 
« Nous nettoyons toutes les surfaces avec les clients toutes les heures. »
 
« Je n’ai pas l’impression de me mettre particulièrement en danger en allant travailler. » 
 
« Nos journées sont beaucoup plus stressantes. Rien que de faire le ménage toute la journée nous génère du stress, les personnes qui s’approchent un peu trop près de nous, aussi, nous génère du stress. »
 
Élodie est responsable de magasins Lidl à Sens.
 
« J’ai attrapé ce virus car je me suis exposée pour protéger mon équipe. »
 
« J’ai mis en place des gestes barrière depuis le 28 février. » 
 
 « Aujourd’hui, je dors seule dans ma chambre, je mange seule, je désinfecte toute ma vaisselle… C’est ma vie au quotidien depuis trois semaines. »
 
Julien, son compagnon, travaille chez Lidl sur une plateforme logistique depuis 12 ans. 
 
« Je suis considéré comme une personne à risque car j’ai une inflammation chronique. » 
 
« C’est dans ces moments de crise qu’on attend un peu d’humanité, pourtant, nous ne la voyons pas venir. »

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NUMÉRO 62 : FÉVRIER -MARS 2024:
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