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Portraits d'invisibles : le quotidien du personnel de nettoyage

© Caroline Delboy

Rendues soudainement visibles, certaines personnes aux métiers en temps normal dépréciés et précaires, sont aujourd'hui applaudies. Caroline Delboy réalisatrice de la série de portraits photo et audio « Invisibles », donne la parole aux individus en première ligne de la crise. Nous vous partageons aujourd'hui le quotidien d'agents de nettoyage.

Témoignages d'agents d'entretien au service hospitalier de l'hôpital de Saint-Denis :

« On ne fait pas que du nettoyage, on sert aussi le petit-déjeuner aux patients avec les aides-soignants et les infirmiers. On vérifie s’ils ont bien pris leurs médicaments car les infirmières ne peuvent pas rester à côté tout le temps. »

 « Notre travail est devenu deux fois plus difficile. Les infirmiers ont eu des renforts, les aides-soignants ont eu des renforts, mais nous, nous n’avons pas eu de renfort et pourtant nous en avions besoin. »

« Nous n'avions aucun jour de repos dans la semaine. Quand on a demandé des jours pour se reposer, on nous a répondu que toutes les vacances avaient sauté. »

« On est vraiment exposés à la maladie, au début nous n’avions pas de moyen de protection. Nous n’avions qu’une seule blouse pour la journée. C’est ce qui a fait que la maladie s’est répandue dans le service. »

« Moi personnellement j’ai eu tous les symptômes, mais je venais travailler car je n’avais pas le choix. »

« On est employés à l’hôpital de Saint-Denis. J’en suis à mon 4e CDD. La direction qui ne reconnaît pas ce qu’on fait. Je pense qu’on mérite une prime comme tous les soignants. On a peur d’en être exclues. » 

« Le premier geste barrière pour le virus, c’est le bionettoyage : les agents de service hospitalier font partie du cœur du soin. Ça a fait plaisir à tout le monde de se voir applaudi et soutenu, mais au-delà du soutien, c’est un changement politique qu’il faut, avec de l’argent donné pour la santé. »


Esham est agent d’entretien et travaille dans un centre de détention. 
« On ne fait pas seulement le ménage, on s'occupe des chambres des personnes sans papier et on leur prépare leur repas. »

« Nous sommes exposés tous les jours au virus. Il nous arrive de travailler sans masque et sans gant, mais contrairement à d'autres métiers, nous avons toujours été exposés : à la gale, à la tuberculose... »

« On est maltraités, on subit du harcèlement moral de nos supérieurs. » 

« Lorsque la prime de 1 000 euros a été évoquée par le gouvernement, mon chef m’a dit : ce n’est pas la priorité du groupe. »

« Le métier du nettoyage se dégrade. J’ai l’impression d’être interchangeable. Je ne pense pas que je vais continuer ce travail... cet esclavage moderne. »

Sophia est agente de nettoyage dans un centre commercial à Paris. 
« J’ai peur comme tout le monde de la maladie. Je pense qu’il faut se protéger, même si je ne le fais pas car je suis asthmatique et j’ai du mal à respirer avec un masque. »

« Je travaille 16 heures par jour et je ne compte pas le temps que je perds sur la route. Je me lève à 2h30 du matin car je travaille aussi dans une pharmacie, je termine ma journée à 11h et je pars directement au centre commercial. »

« Je n’ai pas honte de dire que je suis femme de ménage. Je suis fière car tout le monde en a besoin. Bien que les gens au-dessus de nous ne donnent pas d’importance aux tâches que nous réalisons. »

Murielle gère un personnel de nettoyage d’environ 50 personnes pour une agence bancaire sur 11 sites. 
« On doit réaliser ces tâches car les collaborateurs des agences bancaires sont encore présents sur ces sites. »

« Les entreprises de nettoyage doivent pouvoir travailler pour désinfecter des zones infectées par des gens qui sont porteurs du covid-19. »

« Bien sûr que mes équipes s’exposent plus. Nous avons fait en sorte de fournir du matériel pour qu’ils puissent rentrer chez eux dans des bonnes conditions. »

« Les sociétés de nettoyage ont modifié leurs horaires, le travail s'effectue désormais dans la journée. Nous ne sommes plus dans la situation où les employés sont complètement invisibles car ils travaillent seulement le matin ou le soir : ils sont désormais en présence des collaborateurs. Cela permet à ces derniers de mettre un nom et un visage sur les personnes qui nettoient leur bureau. »

« Les gens ne se rendent pas compte que les agents de nettoyage participent au ralentissement de la propagation du virus, à part quand ils sont directement confrontés à leur présence. »

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