Une feuille A4 maladroitement scotchée avertit les nouveaux venus : interdiction formelle de débrancher ce frigo, coincé entre deux bureaux au premier étage d’un bâtiment qui dépend de l’université Savoie-Mont-Blanc, tout près de Chambéry. À l’intérieur : un sac plastique rempli de glace transparente. « Tu veux un pastis ? Y a déjà les glaçons ! », se marre Ludovic Ravanel. Le scientifique, directeur de recherche au CNRS, y a entassé une de ses dernières trouvailles : une carotte prélevée sur la face d’une montagne alpine. Un bloc de glace, vieux de 6 200 ans. À l’heure où le réchauffement des températures frappe deux fois plus rapidement dans les Alpes qu’à la surface du globe, ces couches d’eau congelées sont en sursis. Pour combien de temps encore les glaciers se maintiendront ? Lorsque Ludovic Ravanel arpentait enfant celui des Bossons, au tout début des années 1990, il arrivait que les accumulations de neige fassent des tas aussi hauts que son père. Les apprentis alpinistes, eux, n’avaient qu’à faire quelques pas depuis la route pour rejoindre la langue de glace. Aujourd’hui, « le panneau indiquant des risques de chute de glace est à un kilomètre du front glaciaire ».
Article issu de notre numéro 55 « Bienvenue dans l'ère du rationnement », en kiosque et sur notre boutique.