La France est aujourd’hui le pays le plus développé en matière de vrac : notre association estime à plus de 160 le nombre d’épiceries vrac spécialisées, environ 80% des magasins bio sont équipés de rayon vrac et les grandes enseignes de la distribution conventionnelle s’équipent à leur tour d’un rayon vrac.
Petit rappel : la vente en vrac c’est la vente de produits non pré-emballés. Ainsi les fruits, les légumes et tous les produits qui s’achètent à la coupe tels que le fromage, la crèmerie, la charcuterie et la boucherie, sont du vrac. On parlera de « vrac frais » pour ces produits et de « vrac hors frais » qui est celui qui bourgeonne depuis quelques années dans les épiceries vrac spécialisées et les rayons des magasins bio et conventionnels. Ce « vrac hors frais » s’applique à tout le reste des produits comme le riz, les farines, les huiles, les céréales, les épices, les boissons, les produits d’entretien, les cosmétiques, etc.
En 4 ans, le marché du « vrac hors frais » a été multiplié par 5 passant de 100 à 500 millions d’euros fin 2017. Pour autant, seulement 0,5% des Français consomment de manière régulière en vrac. Que faudrait-il faire pour le généraliser ?
Un modèle pas simple à mettre en place
Si l’on regarde du côté de la grande distribution, seulement 20% des grandes surfaces (tous formats confondus) sont équipées d’un rayon selon nos estimations. Parce que le vrac requiert du temps, de la main d’oeuvre, du suivi et de l’adaptation. Les produits livrés doivent être transvasés par le magasin dans des bacs ou des silos. Ces bacs et ces silos doivent ensuite être nettoyés à chaque changement de lot. Le rayon vrac doit être régulièrement inspecté et nettoyé au cours de la journée pour être propre et accueillant. Les vendeurs doivent être disponibles et connaître les produits pour conseiller les clients. Sans oublier l’investissement initial qui n’est pas des moindres comparé à un rayon traditionnel.
En somme, se lancer dans le vrac ne s’improvise pas et ce rayon exige du temps et de la main d’oeuvre dédiée. Ce qui n’est pas le modèle actuel de la grande distribution.
Une offre de produits limitée
Tous les produits ne se vendent pas (encore) en vrac du fait de freins réglementaires, techniques et économiques. Par exemple, l’huile d’olive qui est la deuxième huile consommée en France, est interdite à la vente en vrac au niveau européen. Les produits secs sous SIQO (Label Rouge, IGP ou AOP/AOC) ont des cahiers des charges inadaptés qui ne prévoient pas leur vente en vrac. Pour les produits fragiles comme la compote, ou les boissons végétales, il n’y pas encore de dispositif permettant le self-service de ces produits dans les conditions d’hygiène attendues et avec un modèle économique viable. Enfin depuis plus de 50 ans, les fabricants emballent leurs produits dans des sachets de petite quantité et leurs outils de production ne sont pas ou plus adaptés à la production en vrac dans des sacs de gros volumes.
Un manque de confiance
Bien qu’ancien et familier, le vrac peut faire peur en matière d’hygiène, de traçabilité et de qualité. La notion d’hygiène est très prégnante dans notre quotidien, les consommateurs ne sont plus habitués à manipuler les produits puisqu’ils achètent emballés et certains rayons vrac ne sont pas toujours bien tenus. Certains consommateurs peuvent s’interroger sur l’origine des produits en vrac, leur conservation ou leur numéro de lot par exemple, puisqu’ils n’ont plus les emballages d’origine. Enfin les produits actuellement vendus en vrac sont dépourvus de marque. Or celle-ci représente le plus souvent un gage de qualité et de confiance.
Accompagner et former les magasins
A chaque obstacle sa solution. Le développement et la pérennisation des points de vente proposant du vrac ne se fera pas sans la formation de tous les acteurs. Le modèle du vrac étant spécifique, ouvrir son épicerie vrac ou concevoir un rayon vrac ne s’improvise pas.
Une réglementation et des bonnes pratiques d’hygiène doivent être respectées afin de se conformer à la loi et assurer la santé des consommateurs. C’est pourquoi notre association a élaboré des formations sur ces sujets et accompagne tous les commerçants et les grandes enseignes dans leur développement du vrac.
Accroître l’offre de produits disponibles en vrac
Il faut faire des propositions et négocier point par point avec les autorités ou les organismes compétents. Récemment, notre association a mené une action pour permettre aux commerçants de vendre de l’huile d’olive en quantité à la demande sous certaines conditions.
En ce qui concerne les produits sous SIQO, notre association compte sur les membres des Comités de l’INAO pour veiller à ce que les cahiers des charges des produits secs sous SIQO soient adaptés à la vente en vrac (comme c’est le cas pour la majorité des produits frais vendus à la coupe) et poursuit ses discussions avec les Organismes de Défense et de Gestion au cas par cas.
Maintenant que la demande est présente et qu’il y a un marché, il est nécessaire d’inciter les fabricants à innover pour trouver des solutions techniques et viables permettant de distribuer les produits fragiles en vrac. Ceci pourrait passer par la création d’un Lab de l’Innovation dédié au vrac auquel notre association réfléchit.
L’essor du vrac va bouleverser les habitudes. Les marques vont devoir repenser leurs discours marketing et leur communication dans le contexte du vrac. Les fabricants devront revoir leurs lignes de production, leurs documents techniques, leurs logistiques, etc.. Notre association les accompagne dans cette transformation car la généralisation ne se fera pas sans ces grands acteurs.
Sensibiliser les consommateurs à la vente en vrac
Pour inciter les consommateurs à se mettre au vrac, il faut tout d’abord un écosystème complet et qui inspire confiance. Autrement dit, que le citoyen puisse trouver tout en vrac, partout et sans questionner la qualité des produits. C’est l’objet des 3 obstacles identifiés et du travail de notre association. Une fois ces conditions réunies, il faut inciter le consommateur à enclencher le changement. Cela peut se faire par des campagnes de sensibilisation, par des conférences, des ateliers, des manifestations. Notre association travaille à la rédaction d’un guide détaillé pour passer au vrac et à l’organisation d’un festival afin d’éduquer les citoyens sur ce (nouveau) mode de consommation.
Célia Rennesson a co-fondé et dirige l’association professionnelle Réseau Vrac depuis 2016. Réseau Vrac organise et développe la filière du vrac afin de réduire le gaspillage alimentaire et les déchets d’emballages jetables. L’association, fédère plus 480 professionnels de la filière : commerçants, fournisseurs et porteurs de projets.
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