S’il est un concept qui cristallise l’ambiguïté de la relation entre l’humain occidental moderne et la vie sauvage, c’est celui de friche. Fréquemment proche du champ lexical de la xénophobie, il charrie son attelage de préjugés, de peurs et de rejets. Les friches sont d’ailleurs généralement définies par des négations, par un non-usage, un abandon. Elles viennent heurter notre rapport à l’ordre et au désordre. Rien n’y est plus contrôlé, les végétaux s’y entremêlent en tous sens. La friche fait sale. Elle est un terrain vague, qui s’oppose au précis, un espace qui échappe au contrôle physique, mais également à celui de la pensée. Elle est un espace de l’inexpliqué. Défricher un sujet, c’est le rendre accessible à la pensée, c’est une tentative de rendre accessible à l’humain ce qui existe. La friche est l’espace de l’inculte. Elle nous renvoie en miroir notre désordre intérieur, aux limites de notre savoir. La friche est l’espace de l’inaccessible, du danger.
Article à retrouver dans notre hors-série « Ces terres qui se défendent » en librairie et sur notre boutique.
