Résistantes rurales

Victor Vauquois : « La réponse doit être sociale et écologique »

Cofondateur de Terres de luttes, Victor Vauquois revient sur la nouvelle stratégie du collectif qui accompagne désormais les résistantes contre l'extrême droite.

Depuis 2021, Terres de luttes accompagne les collectifs d’habitants qui luttent contre « les grands projets inutiles et imposés », regroupés dans une carte en ligne1. En juin 2024, vous avez initié une autre carte participative, celle des « résistances locales » contre l’extrême droite. Cette carte s’inscrit-elle dans la continuité de la première ?

Depuis la création de Terres de luttes, beaucoup de choses se sont passées. Les Soulèvements de la Terre sont nés et ont été menacés de dissolution, nous nous sommes retrouvés dans des coalitions comme la Déroute des routes2 ou à travailler avec des forces syndicales comme la Confédération paysanne. Après le choc de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, la campagne express des législatives et les scores élevés du RN, beaucoup d’habitants de territoires ruraux se sont interrogés sur la manière de convaincre et de retisser du lien localement.

Article issu de notre n°67 « Résistances rurales », disponible en kiosque, en librairies et sur notre boutique.

On a lancé cette carte des résistances locales pour regrouper toutes les réflexions. Mais nous ne nous leurrons pas, nous sommes en train de perdre la bataille des idées. C’est aussi pour cela que nous accordons autant d’attention aux initiatives locales, sociales et écologistes. Dans ces territoires, on est beaucoup plus isolés et minoritaires et la culture du conflit n'est pas la même. On ne milite donc pas de la même façon que dans le centre de Paris, à Toulouse ou à Marseille ! Pour le moment, les boucles Telegram « Résistances locales » rassemblent près de 4 000 participants.

Pour vous, ce qui s’est exprimé dans les urnes provient du même sentiment de déni de démocratie que celui ressenti lors de la construction imposée d’un entrepôt ou d’une autoroute…

La plupart de ces grands projets polluants naissent dans des territoires isolés et peu peuplés, où le milieu associatif et militant est assez faible, ou en tout cas moins organisé. Ce n’est pas un hasard : l’emplacement de beaucoup de sites industriels – je pense notamment au centre d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure – a été choisi pour que l’opposition soit la plus faible possible. Avec Terres de luttes, nous nous battons dans ces endroits-là. La fermeture de services publics ou l’implantation d’une méga-usine engendre le même sentiment de mépris et d’abandon.

Si on se concentrait au départ sur le recensement des collectifs locaux contre les mégaprojets sur leur territoire, on étend aujourd’hui notre champ d’action à la lutte contre l’extrême droite et, pour nous, cette réponse doit être sociale et écologique.

L’étude sociologique que vous avez coproduite sur les collectifs locaux qui s’opposent à des projets inutiles et polluants3 parle d’un « mouvement social qui s’ignore de moins en moins, proposant un contre-discours cohérent, écologiste, démocratique, social et économique face à un capitalisme prédateur qui ne cesse de s’étendre ». Que peuvent ces collectifs contre l’extrême droite ?

Nous travaillons avec des collectifs d’habitants très actifs sur leur terrain. Ils organisent des campagnes de tractage, de collage ou de porte-à-porte hors période d’élection, et d’ailleurs, pas sur des sujets électoraux. Ils sont notamment très actifs lors des enquêtes publiques ou des consultations : c’est pour cette raison que, dans la plupart des cas, il y a massivement des avis négatifs contre un GPII4 et des centaines, voire des milliers, d’avis exprimés. Ils arrivent à organiser des campagnes très fortes, en plus d’être au plus proche des gens.

Beaucoup ont cette capacité de mobilisation qu’ont peu de forces militantes, en plus d’être présents dans des endroits où il y a besoin d’un discours écologiste et de gauche contre le Rassemblement national. 


1. Laury-Anne Cholez, « La carte des luttes contre les grands projets inutiles », Reporterre, 17 juin 2020. 

2. La déroute des routes rassemble depuis janvier 2022 des associations et des collectifs avec l’objectif commun la lutte contre des projets routiers.

3. Étude réalisée par le sociologue Kevin Vacher et les associations Terres de luttes, Notre affaire à tous et ZEA, en 2021. « Les David s’organisent contre Goliath. État des lieux des mobilisations locales contre les projets inutiles, imposés et polluants en France »

4. GPII pour « grand projet inutile et imposé » d’après les opposants.

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NUMÉRO 67 : DÉCEMBRE 2024 - JANVIER 2025:
Résistances rurales : Comment lutter contre l'extrême droite depuis les campagnes ?
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