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Réfugié et développeur: "J'ai appris deux langues en même temps, le code et le français"

Les entreprises sont souvent frileuses à l'idée d'employer des réfugiés. Pour les aider à trouver un emploi, Simplon a lancé "Refugeeks", une formation en code informatique. Nous avons rencontré un élève tout juste sorti du programme. Ce portrait est le deuxième d'une série dédiée aux enjeux de l'enseignement du code.

Geoffrey pousse le large portail qui donne accès à Simplon, l’école où il vient de finir une formation en code informatique. Derrière : une petite cour, et une ancienne fabrique reconvertie en espaces de travail lumineux. D’un regard, il balaye l’endroit, puis se dirige vers le bâtiment en saluant plusieurs personnes au passage. Ici, ce réfugié de 38 ans venu du Kenya se sent comme chez lui.

Il a quitté son pays il y a quatre ans déjà. “J'étais en danger”, explique-t-il. Il préfère ne pas donner de détails “de sa vie d’avant”. On sait juste qu’il n’avait jamais fait de code informatique : au Kenya, il était croupier. A son arrivée en France en 2013 commence un parcours du combattant : sa demande d’asile à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) est refusée. Il dépose un recours. “Entre temps, je n’avais pas le droit au travail, j’avais un petit peu de ressources financières mais je n’avais rien à faire”, regrette-t-il. Il suit des cours de français, aide ponctuellement les Restos du Cœur pour la distribution de repas… Il obtient finalement le statut de réfugié en 2016, puis déniche un “boulot de nettoyage”. En attendant autre chose.


Un programme pour inclure les réfugiés



Ce sera le code, avec "Refugeeks". En 2015, l’entreprise de l’économie sociale et solidaire Simplon, connue pour proposer des formations courtes -et gratuites- en code informatique à des personnes éloignées de l'emploi, a créé ce programme d'accompagnement qui vise “à contribuer à notre façon à l’accueil des réfugiés”, explique Théo Biddulph, qui s'occupe de son déploiement. Geoffrey fait partie de la dernière promotion sortie des bancs de ‘“Refugeeks”. “J’ai eu de la chance ! une femme est venue présenter Simplon à mon CADA (Centre d'accueil pour demandeurs d'asile, ndlr), j’ai postulé et j’ai été pris !”.

Après deux mois de cours de français, il apprend le code pendant sept mois. “Un vrai bonheur ! J’adore relever des challenges et pour moi le code c’est ça, résoudre des problèmes”.
Pas facile pourtant de relever le défi : “c’est comme apprendre deux langues en même temps : le code et le français”. Il vient de décrocher un premier contrat à la BNP Paribas, où il commencera à travailler d’ici peu. “En attendant, je prends des cours de français pour m’améliorer”, explique le nouveau développeur.





“Nous avons un très bon taux d’insertion professionnelle, autour de 92%”, se félicite
Théo Biddulph. Le cursus proposé par Simplon ne passe pas que par l’enseignement du code, mais aussi par l’accompagnement social des réfugiés, tant d’un point de vue administratif que professionnel. “Beaucoup d’entreprises ont peur d’embaucher car elles méconnaissent la loi. Celles que nous avons réussi à convaincre et qui nous soutiennent sont plutôt de grands groupes”, précise Théo Biddulph. Ce qui les séduit : “un engagement éthique”, mais aussi des profils “avec parfois des expériences assez longue et une connaissance de l’anglais”.


Une réponse au manque de développeurs informatiques



D’autant que les développeurs informatiques sont très recherchés sur le marché de l’emploi. “Ces derniers temps, en plus de tous les moyens mis en œuvre habituellement, nous avons passé plusieurs annonces de développeurs sur le site de Pole Emploi. Résultats ? 10 annonces, 8 réponses dont 4 venant d’autres pays”, se désespère même un recruteur sur Linkedin.

Même constat en Allemagne, où la Redi School of Digital Integration a été créée en 2016 pour “aider à combler les 43.000 emplois informatiques vacants” dans le pays. Autre initiative à Amsterdam : l’école de code HackYourFuture forme en six mois des réfugiés aux bases du développement web, à raison de cours donnés chaque samedi et d’un accompagnement en ligne. “En formant les réfugiés au développement web, nous augmentons considérablement leurs chances de trouver un emploi et, en même temps, nous augmentons le nombre de développeurs sur le marché du travail”, indique l’équipe de l’école sur son site web.

Au-delà du code

 

L’apprentissage du code permet également aux réfugiés d’aller à la rencontre de nouvelles personnes. “Quand j’étais logé en CADA, je ne pouvais parler qu’avec d’autres réfugiés”, explique Geoffrey, ravi d’avoir pu monter des projets de groupe avec des Français. “On était six ou sept étrangers sur une classe de 26. On s’est tous mélangés et ça m’a beaucoup appris. Pour les cours, on a recréé un site web pour un restaurant par exemple. Ça oblige à échanger”

Il estime que sans cette formation il n’aurait pas pu trouver d’autre emploi que “dans le nettoyage”. “Et je voulais faire autre chose”, explique-t-il, la voix grave. Il a hâte de démarrer son premier emploi en tant que codeur. Stressé ? “Pas du tout”, affirme Geoffrey : “c’est seulement un nouveau challenge”.

 

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