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Pourquoi j'ai choisi de vivre "zéro déchet". Episode 2/5 : ce qu'on ne nous dit pas sur nos produits du quotidien

Allégations mensongères, marketing de faux besoins et informations volontairement floues ou absentes : les produits dont nous faisons usage sur notre corps ou dans notre maison nous sont aujourd'hui bien étrangers. Produits d'entretien, cosmétiques et objets d'hygiène corporelle cachent bien des secrets.

Sait-on vraiment ce qu'on s'applique sur la peau tous les jours ?

 

Écriture noir sur gris, police minuscule, anglais ou même latin : la liste des ingrédients de nos cosmétiques a des airs d’exercice ophtalmologique. À l’instar des « Conditions d’utilisation » que l’on accepte machinalement lorsqu’on télécharge une nouvelle appli, on n’y prête aucune attention. Pourtant, elle n’est pas anodine. 2-benzoyl-5-methoxyphenol, de quoi en faire tourner la tête… aussi bien au sens figuré qu’au sens pratique.

Les ingrédients de cosmétiques et produits ménagers conventionnels sont de plus en plus montrés du doigt par des toxicologues, biologistes, médecins et chercheurs. Conservateurs cancérigènes (paraben, methyl…) dans nos maquillages, parfums et colorants irritants (parfums, fragrance, CI) dans nos savons, ingrédients corrosifs dans nos nettoyants pour cuisines, matières plastique (EDTA, PEG, PGG) et silicones dans nos shampooings. La composition de nos produits ménagers et cosmétiques s’avèrent bien différents des fleurs fraîches et huiles végétales naturelles annoncées sur les flacons. 

60 millions de consommateurs a, par exemple, évalué une centaine de produits ménagers classiques. Résultat : la quasi totalité contient des molécules indésirables pour la santé du consommateur et pour l’environnement. L’ensemble de nos produits du quotidien est concerné, des ustensiles de cuisines en plastique libérant des solvants toxiques dans nos aliments, jusqu’aux tampons hygiéniques contenant des traces de pesticides et de chlore.

Pourquoi l’utilisateur-même du produit n’est pas tenu au courant des risques qu’il encourt ? C’est ce qu’on appelle une asymétrie d’informations : le fabricant détient bien plus d’informations sur le produit, sa production, sa provenance ainsi que ses effets sur l’environnement et la santé humaine du consommateur. Celui-ci, lésé par l’opacité de ces informations, fait parfois de mauvais choix, à son insu.

Et la législation ne parvient pas à pallier cette inégalité : les étiquettes de nos produits restent floues. Difficile, par exemple, de savoir à quoi correspondent les ingrédients « E250 » (nitrite de sodium)  ou « E423 » dans nos aliments. Pas d’obligation non plus de mentionner des informations pourtant lourdes de conséquences (conditions sociales de fabrication, provenance de chaque ingrédient, pesticides utilisés, dangerosité avérée de certains produits, etc).

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Vendre de l’inutile

 

Crèmes pour le visage, le corps, la nuit, le jour, les pieds, les mains, et peut-être un jour une crème de midi pour le nombril ? Nos placards débordent à mesure que notre porte-monnaie se vide : un français dépense en moyenne plus de 200€ par an en produits de beauté.  A-t-on vraiment besoin de tant de produits différents et de tant de dépenses ? 

Ces déclinaisons infinies de produits en réalité similaires illustrent la création de nouveaux besoins. Pour conquérir de nouvelles parts de marché, rien de mieux que de créer de nouveaux produits et de convaincre le consommateur de son utilité, voire même de sa nécessité. Vous souhaitez vendre un produit nettoyant pour poignées de porte ? Aucun problème, arguez que les poignées de porte contiennent des millions de bactéries et passez le message implicite que seul votre produit permettra de les éliminer ! Rien de plus facile que de jouer sur la culture hygiéniste et sa peur de la malpropreté. Le marketing du marché des produits nettoyants a su profiter et, par là, approfondir l’apparition d’une forme de mysophobie - la phobie de la saleté et des microbes - dans notre culture contemporaine. « Ultra fort », « Super propreté », « Tue 99,9 % des bactéries », les allégations sont toujours plus excessives pour vendre des produits pour une maison immaculée.




 

Pourtant, nul besoin de vivre dans une maison aseptisée où règne la recherche perpétuelle de la propreté parfaite, à l’image de Madame Arpel (du film satirique Mon Oncle de Jacques Tati, 1958) qui astique, brique et désinfecte quotidiennement sa maison, jusqu’au cartable de son fils sur son chemin pour l’école. Selon UFC Que Choisir, l’eau de Javel est adaptée à l'enrayement d’épidémies (et à l’usage en milieu hospitalier, par exemple), mais n’est “en aucun cas un produit nettoyant”. Pire, une désinfection excessive et régulière pourrait affecter l’équilibre bactérien de la maison et de ses habitants et même empêcher le système immunitaire de se développer correctement.

 

Jusqu’où va la dépendance du consommateur : lorsqu’on délègue notre propre corps

 

A coup de publicités montrant des hommes en blouses blanches manipulant des fioles et de voix-off déclarant que « nos experts vous ont élaboré ce produit », le marketing entretient l’impression que seuls des experts savent produire ce dont nous avons besoin au quotidien. Le consommateur devient dépendant d’autrui pour répondre à ses besoins les plus intimes. Si bien que l’homme et la femme du XXIème siècle ne connaissent pas leur corps et ne savent ni l’écouter, ni le soigner. C’est ce que la sociologie appelle l’hétéronomie, par opposition à l’autonomie. 

Le consommateur délègue donc une partie de la gestion de son intimité quotidienne au marché. C’est la division du travail. Dommage pour le consommateur : par la logique mercantile de ces échanges, l’objectif des producteurs n’est souvent plus de servir son client, mais bien d’optimiser ses coûts. Au détriment parfois de la qualité et même de l’innocuité de ses produits. Un exemple ? Les crèmes hydratantes conventionnelles sont composées principalement d’huiles minérales, substances non biodégradables dérivées du pétrole. Les huiles végétales, elles, sont plus chères certes, mais apportent les nutriments nécessaires à la peau. Les huiles minérales forment un film superficiel sur la peau, procurant une sensation artificielle de douceur. Si le consommateur est séduit, c’est loin d’être le cas de sa peau, peu à peu étouffée sous cette couche minérale. C’est ce qu’on appelle jeter de la poudre aux yeux !

 

Réapprendre à connaître nos produits du quotidien et à les fabriquer

 

« On n'est jamais mieux servi que par soi-même » prend alors tout son sens. Pas question de se la jouer apprentis chimistes à la Breaking Bad. Nos cuisines sont déjà remplies de produits ménagers ou cosmétiques sans même qu'on ne le sache. Antibactérien, le vinaigre blanc remplace la quasi totalité des produits ménagers. L'huile de coco peut être utilisée en crème pour les mains, en baume à lèvres et même en dentifrice grâce à sa propriété naturelle antibactérienne. Le sel, le sucre ou le marc de café exfolie la peau avec brio. Le miel fait des miracles pour cicatriser rapidement une plaie ou pour nettoyer un visage en tant que masque de peau. Le citron éclaircit les cheveux, enlève les boutons du visage et désinfecte même les toilettes. Il s’agit de choisir des ingrédients simples, sains, et que l’on connaît, pour prendre soin de sa maison et de son corps. Les avantages y sont sanitaires, environnementaux et même financiers. Fabriquer facilement ses produits d’hygiène corporelle, de beauté et de ménage à partir d’ingrédients sains et bons marché peut permettre d’économiser 30% de ses dépenses mensuelles.

Nos produits du quotidien deviennent une vraie préoccupation de santé publique et de protection de l’environnement. Rompue par de nombreux intermédiaires sur le marché, la relation entre le fabricant et le consommateur est, la plupart du temps, presque impossible. L’utilisateur n’est plus conscient de ce avec quoi il nourrit, nettoie et chérit son propre corps ou son logis. Il est grand temps de gagner en autonomie, d’apprendre à savoir ce dont nous avons besoin et ce que nous utilisons. Pour protéger notre environnement et notre propre santé, repenser nos choix de produits de consommation devient nécessaire. S’informer de la toxicité de nos produits, apprendre à décrypter facilement leurs étiquettes, adopter de nouveau choix de consommation, et ainsi, petit à petit, se défaire du chant (un peu trop) envoûtant du marketing.

À 22 ans, cette étudiante en Environnement à la Sorbonne ne produit qu’un sachet de 500g de déchets par an. Sur son blog “Consommons sainement”, Aline décrypte les enjeux écologiques de nos gestes quotidiens, du brossage de dents aux tâches ménagères. Avant de partir à la découverte de San Franscico, baptisée capitale du zéro-déchet, elle a publié un guide gratuit pour sensibiliser les "débutants paresseux (ou occupés)". 

 

Si vous avez manqué le précédent épisode...


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NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
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