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Les Civic Tech: feu de paille ou révolution démocratique?

La technologie peut-elle bousculer notre bonne vieille démocratie? En cette fin de saison électorale, les acteurs phares de la Civic Tech dressent le bilan de leur mouvement. Retour sur les succès et obstacles rencontrés ces derniers mois.

Je vais vous demander de faire des réponses assez courtes pour essayer d’intéresser les millions de téléspectateurs qui nous écoutent en ce moment”, conseille sur un ton ironique Paloma Moritz, journaliste à Spicee, un des trois médias à l’origine de l’événement. À ses côtés, le fondateur de Le Drenche, journal de débats, et le créateur d’Accropolis, chaîne Youtube citoyenne. En cette journée pluvieuse, seule une petite trentaine de participants assiste au rendez-vous place de la République, dans un café le 28 juin dernier.

Au coeur de la discussion, l’impact des Civic Tech. Comme nous le savons, le mouvement cherche à impliquer davantage les citoyens aux décisions publiques afin de rendre la démocratie plus participative. “Dans le domaine des Civic Tech, il n’y a pas eu de réussites extraordinaires”, reconnaît Florent Guignard. Le président du collectif Démocratie Ouverte, qui regroupe la grande majorité des plateformes et des applications d’engagement citoyen en France, est le premier à prendre la parole. “Pour autant, il y a eu des initiatives vraiment intéressantes et impactantes reprend-t-il.

La Primaire.org a réuni 145 000 personnes et a permis à des citoyens de la société civile de se porter candidat à l’élection présidentielle. La consultante et formatrice dans le domaine de la santé Charlotte Marchandise a gagné cette primaire. On notera cependant qu’elle n’a pas pu être officiellement candidate à l’élection présidentielle, n’ayant obtenu que 145 parrainages.

Autre exemple de réussite : la co-écriture de la loi pour une République numérique, promulguée le 7 octobre 2016. Le texte, qui prévoit notamment une ouverture accrue des données publiques et le droit à l’oubli pour les mineurs, a été rédigé avec l’aide de 21.000 citoyens.Tout Français pouvait consulter le projet de loi sur une plateforme en ligne dédiée, l’enrichir en ajoutant ses propositions, et voter pour celles qu’il souhaitait voir débattues à l’Assemblée.

Enfin, Florent Guignard prend l’exemple du Wikipédia de la politique, Voxe.org et des médias collaboratifs comme Accropolis et Le Drenche. Permettant de s’informer de manière plus participative, ils auraient touché environ “150 à 200.000 internautes” pendant la campagne présidentielle.


Les institutions de la 5ème République encore inadaptées aux Civic Tech

Les Civic Tech n’en sont qu’à leur début, rappelle Axelle Lemaire qui a porté le projet de loi numérique lorsqu’elle était à Bercy. Pour elle, les freins à leur développement sont institutionnels. L’ex-secrétaire d’Etat reproche aux institutions actuelles de ne pas favoriser la démocratie participative. “Aujourd’hui, sans une volonté politique très forte et un concours de circonstances un peu particulier, ce ne serait pas possible de renouveler l’expérience de la loi pour une République numériqueinsiste-t-elle.

Pour l’entrepreneur Fabrice Epelboin, c’est un problème de confiance. Les citoyens n’ont pas envie de collaborer avec une classe politique, telle que le prévoit les initiatives de la Civic Tech, corrompue. “Il y a un sentiment d’impunité absolue!", s’exclame le fondateur de Yogosha, start-up spécialisée dans la cybersécurité. Pour contrer ce problème, Fabrice Epelboin a une idée simple: “instaurer des sanctions lourdes aux élus qui trichent, détournent des fonds ou pire encore”. 

Pour que le mouvement des Civic Tech s’amplifie, encore faudrait-il qu’il ne s’agisse pas d’une “bulle”. C’est ce que pense Nina Guérineau de Lamérie, auteure du Verre Politique, qui a rencontré une centaine de jeunes dans toute la France lors de la campagne électorale. “Les 18-30 ans ne m’ont jamais parlé des Civic Tech” souligne-t-elle. Pour le moment, le phénomène toucherait d’abord les jeunes citadins diplômés suggère le journal Le Monde.

Sans compter que les consultations en ligne ne sont pas toujours démocratiques. Quid des 15% de Français qui ne disposent pas de connexion internet? Ils sont de facto exclus de ce type de démarches. Nina, la journaliste de 23 ans, évoque aussi le manque de légitimité ressenti par certains jeunes. “Ils n’osent pas faire de propositions en pensant que leur idée est trop irréaliste pour être retenue. La solution est d’aller les chercher”, explique-t-elle. Un des défis majeurs des Civic Tech sera alors de toucher une audience plus représentative de la population française et de la pousser à s’impliquer.

Crédits photos: DR et Calypso Vanier

 

 

 

 

 

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