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"La qualité de vie au travail et l'engagement des salariés comme des leviers de compétitivité." Entretien avec François Badenès, Artisan du Changement.

Il est passé par les bancs d'une école Montessori, sociologue de formation puis consultant en organisation, François Badenès est un « Colibri » convaincu. Sa mission ? Accompagner le changement culturel des entreprises vers « plus d'agilité, de créativité, et de plaisir au travail ». En 2014, il a réuni une trentaine de talents pour organiser un grand rendez-vous de l'innovation managériale et des facilitateurs. Rencontre avec le fer de lance de la Fabrique du Changement.

Nantes, Bordeaux, Grenoble, Toulouse... en cinq ans, La Fabrique du Changement a essaimé. À chaque étape, un à deux jours de tables rondes et d’ateliers permettent à ceux qui expérimentent de nouvelles méthodes d’échanger autour de leurs impacts, des bonnes pratiques et des obstacles qui freinent leur transition. Au menu : jeux pour découvrir les ressorts de l’intelligence collective, ateliers de créativité et débats sur les mutations du travail. Un rendez-vous professionnel atypique organisé par le collectif des Artisans du Changement.

 

Voilà 40 ans que vous accompagnez les entreprises vers plus d’agilité, de créativité et de bien-être au travail. Êtes-vous toujours convaincu que toutes les structures peuvent changer ?

Quand on parlait de méthode collaborative il y a quinze ans, on nous prenait pour des extra-terrestres. Aujourd’hui, les entreprises ne se demandent plus s’il faut suivre la dynamique, elles cherchent à savoir comment l’insuffler à tous les niveaux en interne. Peu importe leur taille, de nombreuses structures expérimentent de nouvelles méthodes et se posent les bonnes questions, alors j’y crois plus que jamais!

 

Comment expliquer cette dynamique ?

La qualité de vie au travail et l’engagement des salariés sont désormais reconnus comme des leviers de compétitivité. Les organisations agiles représentent aujourd’hui 50% des boîtes du CAC 40. À la différence de nos vieilles dames de l’économie française, les start-ups sont capables de remettre en cause leur modèle organisationnel et managérial. Je suis très inquiet pour les plus grands groupes qui ont du mal à se réformer. Des géants de l’économie française m’appellent au secours parce qu’ils ne réussissent plus à fidéliser les jeunes embauchés à la sortie des écoles. Au bout de deux ans, les vrais talents se barrent ! Pour redonner du sens à ces emplois, il faut réduire le carcan hiérarchique des entreprises, apprendre à faire confiance à ses salariés pour libérer leur potentiel. Si les entreprises ne veulent pas survivre en misant sur l’explosion du turnover, de l’absentéisme et des burnouts, elles doivent se former à cette nouvelle culture professionnelle.

 

Notre pays est tétanisé par la peur alors qu’il est bourré de talents

 

De nombreux témoignages nous montrent que « l’esprit start-up » génère aussi du mal être en entreprise…

C’est vrai que le trop plein d’autonomie est aussi la cause de nombreux burn-out, nous n’en parlons pas assez ! Il faut réfléchir à intégrer des profils plus seniors dans les équipes pour rééquilibrer l’excès d’énergie des jeunes pousses. J’encourage de nombreuses boîtes à mettre en place des mentorats inversés, dans la veine du film The Intern [où Robert De Niro incarne un retraité de 70 ans qui accepte un poste de stagiaire au sein d’une entreprise d’e-commerce de mode]. Encore faut-il accepter l’idée que la transmission de savoirs est réciproque.

 

Quels sont les principaux freins au changement dans les entreprises françaises ?

Ils sont essentiellement culturels. On retrouve les mêmes problèmes à l’école et en entreprise. On sait que 80 % du public d’un amphithéâtre décroche à partir de la quatorzième diapositive. Pourtant, les cours de plus de deux heures en amphi restent la norme. Suivant les mêmes méthodes, un Français passe en moyenne 16 ans de sa vie professionnelle en réunion. C’est quand même incroyable que les personnes en charge de la gestion des organisations n’intègrent pas plus ces variables sociologiques. Regardez les start-up américaines : elles ne font plus que du speed meeting et leurs présentations ne s’appuient plus que sur des visuels !

 

« Liberté, créativité, bien-être » était la devise de La Fabrique du Changement cette année. Les professionnels sont-ils réceptifs à ce discours quelque peu galvaudé par les campagnes de communication de marque ou les « gourous » du développement personnel ?

Il est stratégique! Il permet de désacraliser la conduite du changement. Notre pays est tétanisé par la peur alors qu’il est bourré de talents. Les plus réticents sont les managers intermédiaires, qui craignent de perdre du pouvoir en laissant plus de marge de manœuvre aux salariés. Les cadres qui ont des missions de contrôle aujourd’hui seront des facilitateurs de projet demain. Leur rôle sera de donner envie à leurs équipes de se former et d’expérimenter de nouvelles pratiques. Pour accompagner cette mutation du travail, il faut former les managers à la communication non violente.

 

En attendant les prochaines Fabriques du Changement en 2018, un conseil pour libérer la créativité de nos lecteurs ?

Si je ne devais retenir qu’une seule méthode, ce serait le « mind mapping ». Les petits scandinaves y sont formés à l’école dès le CP. La France, le Portugal et la Grèce sont les seuls pays européens à ne pas l’enseigner. Quand j’ai été formé aux cartes mentales, j’ai eu l’impression de réconcilier mon cerveau et mon intuition. Elles permettent de canaliser la pensée créative qui raisonne en arborescence. Pour manager vos projets professionnels et votre vie, lisez Tony Buzan!

 

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