Exercices d'autodéfense

Le faux dilemme : être libre de ne pas choisir

Langage technique ostracisant le commun des mortels, mots qui jouent contre nous, représentations biaisées qui nous paraissent naturelles, stratagèmes pour discréditer toute velléité critique… Le débat public regorge de ces figures de style et techniques rhétoriques qui paralysent. Les repérer et identifier leur objectif permet de se défendre à temps et rendre coup pour coup.

« Vous êtes contre le capitalisme ? Vous préférez certainement Staline et le goulag ! » « Vous êtes contre la 5G ? Vous voudriez certainement retourner à la bougie ! » « Vous êtes contre le nucléaire ? Vous êtes les idiots utiles du charbon ! » Voici le genre de dilemmes spécieux qui ponctuent les débats dans lesquels une voix dissidente a malencontreusement fait irruption. Le faux dilemme est certainement le cas le plus courant de paralogisme, un raisonnement faux qui apparaît comme valide. Sauf que contrairement au sophisme, ce raisonnement est aussi faux que de bonne foi.

De toute la richesse de la pensée et du débat, rien ne survit sinon deux propositions et une opposition stérile. Ce paralogisme « informel » est bien utile : en créant cette dichotomie, ce réflexe de forceur permet de faire accepter une proposition en faisant passer son contraire pour particulièrement abominable. A priori, personne n’est pour le goulag, ni pour vivre dans une grotte ou pour noyer l’atmosphère de dioxyde de carbone. Le faux dilemme est l’éminent représentant de toute une gamme de paralogismes informels énumérés par Normand Baillargeon dans son ouvrage Petit cours d’autodéfense intellectuelle (Lux, 2005) parmi lesquels l’argument d’autorité (la parole d’expert), la pente glissante (la catastrophe vers laquelle nous mène le raisonnement de notre interlocuteur) ou bien encore l’épouvantail théorique (déformer la position de l’adversaire).

On aime particulièrement le paralogisme dit de la « généralisation abusive » ou hâtive, qui consiste à forger de grandes lois de l’histoire à partir d’événements isolés. Par exemple, dans la bouche des transhumanistes Laurent Alexandre et autres Luc Ferry, cela donne : « La science a toujours su trouver des solutions aux problèmes qu’elle a créés dans le passé, donc la science règlera demain les problèmes qu’elle pose aujourd’hui. » Pour ces érudits, deux fautes logiques font une loi de l’histoire.  

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