A compléter

Faire-play* 1/4 : Les chemins du faire

Le mouvement Do It Yourself et les fab labs transforment notre société, permettant à ses adeptes d'accéder à une plus grande autonomie. Cette série de quatre articles vous propose de faire le point sur ces nouvelles pratiques et s'interroge sur les conditions nécessaires pour développer ces lieux de création collective.

Do it yourself ("Fais le toi-même") ! L'expression sonne un peu comme un ordre mais présage pourtant de bien bonnes choses pour notre société. Ce que l'on prend pour une énième tendance déco pourrait bien être un mouvement important, un modèle de vie et de pensée réinventée, hérité de la culture alternative et popularisé par internet. Bref, une véritable lame de fond.

Le DIY fait aujourd’hui partie intégrante de notre culture. La question est de savoir comment il va influencer notre façon d'interagir les uns avec les autres et comment ce mouvement va façonner notre société.

Pour les non-initiés, le DIY désigne le travail fait main, le fait maison. Cette pratique, aussi appelée DIWO ( "Do It With Others"— “Fais-le avec d’autres”) encourage tout simplement le particulier à se saisir d’outils pour fabriquer lui-même, à partir de rien, ce dont il a besoin ou encore à détourner de la fonction initiale des objets existants. En somme, le DIY est bien du bricolage... 2.0. Grâce au web, des réseaux aussi bien locaux que globaux se constituent permettant à leurs membres de partager leurs connaissances librement. Des magazines, wikis, sites et blogs voient le jour et les expérimentations de chacun font partie du bien commun.

 

Documenter la fabrication de ses créations

Pour les makers, la logique du partage est la clé. C’est le cas de la plateforme instructables.com. Née en 2005 dans les locaux de Squid Labs (MIT), il s’agit d’un véritable système de documentation ouvert à tous permettant de découvrir et de partager des créations. Mais le site va encore plus loin en demandant à ses membres de documenter, étape par étape, la fabrication de leurs créations pour que d’autres puissent les reproduire par la suite. Résultat : un site qui reçoit chaque jour plus de visiteurs, avec aujourd’hui 31 millions de visites mensuelles, et qui a été racheté par la multinationale Autodesk, leader en logiciels de conception assistée par ordinateur.

Et de nombreuses autres plateformes reposent sur le principe du partage de la documentation. Parmi elles, l'Américaine Github, axée sur le développement informatique, ou la française Open Doc, tout juste créée. L'une des plus dynamiques dans l'Hexagone est Fablabo, une plateforme animée par le fablab (atelier de fabrication ouverts à tous) nantais Plateforme C. Bien que sa fréquentation ne soit pas comparable à celle de Instructables, elle rayonne sur tous les fablabs français et possède une communauté très active.

Un grand pas pour le bricolage, indéniablement... mais le phénomène DIY ne se cantonne pas à l’établi de monsieur tout le monde. Associant leurs connaissances, entre artisanat et high tech, en passant du local au global, ces bricoleurs augmentés par les nouvelles technologies développent des outils spécifiques, de plus en plus performants. Très vite, les moyens de production, jusqu’alors réservés aux industries, deviennent accessibles à tous.

 

Le savoir-faire partagé

Ainsi se positionne le projet RepRap, la première imprimante 3D à faible coût qui a la particularité d’être “auto-répliquante”: c’est-à-dire qu’elle peut imprimer les pièces qui la composent. Ce concept est particulièrement populaire auprès des makers car il a permis de démocratiser l’imprimante 3D et d’équiper n’importe quel bricoleur, du moment qu’il dispose du temps et du matériel nécessaires. Le projet RepRap (Replication Rapid prototyper) est un exemple particulièrement éloquent du potentiel de l’open source. Tous les plans des imprimantes 3D sont mis en ligne en accès libre, accompagnés d’une documentation solide, détaillant les conseils de montage, les difficultés ou les manipulations à éviter.

On trouve aujourd’hui des RepRap comme la Prusa Mendel ou la Wallace dans tous types de makerspaces (espaces de travail collaboratifs) : du garage des particuliers aux fab labs les plus institutionnels. Plus qu’un simple projet, c’est en fait une communauté particulièrement agile qui peut développer des prototypes de plus en plus rapidement grâce à leur savoir-faire partagé.

Ces makers ont donc, par le principe de communauté et de partage, révélé le potentiel de la transversalité et soutiennent l’émergence d’une nouvelle forme de travail. Ils apportent la preuve que les “7,4 milliards d’individus sur cette planète ne sont pas juste là pour subir la technologie mais peuvent aussi la créer” (Neil Gershenfeld, professeur au Massachusetts Institute of Technology et créateur du concept de fablab).

Le succès des projets DIY ouvrent la perspective d’un monde radicalement nouveau grâce à l’apprentissage, l’expérimentation et le partage. Aujourd’hui, un nouvel enjeu se pose : comment démocratiser ce mouvement, afin que cette nouvelle forme de travail bénéficie à la majorité et non à une élite de makers ?



NOTE

*. « Faire-play » vient de l’expression « L’âge du Faire » (le titre du livre de Michel Lallement) et fait référence, d’une part à la fabrication et donc plus généralement au mouvement maker, d’autre part à l’expression anglaise fair-play qui évoque ici la volonté des fab labs de réinventer une nouvelle manière de fonctionner, d’agir et de s’organiser : un système plus honnête et plus égalitaire fondé sur l’horizontalité

Pour lire les autres épisodes de Faire-play :
Épisode 2
Épisode 3
Épisode 4 

 

Thibaut Métivier est un jeune designer nantais à l'origine de Lift, un écosystème qui réinvente l'expérience documentaire dans les lieux d'innovations. Après avoir étudié le design d'espace et les services numériques, il se tourne désormais vers une conception plus sociale du design : développer les outils adaptés à l'évolution d'une société plus humaine. Cette série d’articles est inspirée par son travail pour son mémoire de fin d’études.

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