Information et faits

3/6 Bestiaire médiatique : le fact-checkeur

Si le fact-checker vous le garantit, c’est que c’est vrai. Car c'est bien connu, le fact-checker n’a pas de biais idéologique !

Le titre de l’émission, « Vrai ou fake », pose une alternative stricte et néanmoins juste : soit c’est fake soit c’est vrai. Si ce n’est pas vrai, c’est fake. Après un long brainstorming, la rédaction a choisi son camp : elle sera du côté du vrai. Elle s’attaquera aux « intox de la semaine ». Elle s’en va « décrypter toutes les manipulations », annonce le présentateur, dont inspire confiance le visage quadragénaire, citadin et diplômé.

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La manipulation est l’apanage des dictatures. Par exemple la dictature russe manipule les chiffres de son Institut de statistiques sur l’état de l’économie locale, nous apprend la fact-checkeuse qui seconde le visage diplômé. En démocratie, les gouvernements ne manipulent pas, ils font des erreurs de communication. Assurant qu’avec la réforme aucune pension de retraite ne serait inférieure à 1 200 euros, Olivier Véran n’a pas menti, il a juste commis une petite boulette, nous dit aussi la fact-checkeuse. Un petit couac qu’il a ponctué d’un « oups ».

L’émission citoyenne dure depuis 15 minutes et on y voit déjà beaucoup plus clair dans le désordre du monde : en dictature règne le fake, en démocratie règne le vrai qu’entache un regrettable manque de pédagogie.

Si ce n’est pas assez clair, on peut compléter notre édification avec le livre Anti fake, qui sans nul doute tient la promesse de son sous-titre : le livre indispensable pour démêler le vrai du faux. 

Et si le message n’est pas encore rentré, un des co-­auteurs propose une pastille informative à la télé. La pastille s’appelle « Conspirations ». On y oppose des arguments scientifiques aux fake news complotistes. Aux illuminés qui croient que l’installation planétaire de la 5G va occasionner des problèmes de santé, le présentateur éducateur répond que « d’après les spécialistes, il n’y a aucune raison de penser que ces techno­logies puissent provoquer des problèmes de santé ». Implacable.  

L’éducateur partage la pastille avec un autre. Interrogé par une jeune crédule sur les immenses bénéfices de Pfizer pendant la pandémie, ce second larron rapporte tel quel, sans la déformer, l’explication donnée par l’éminent labo : si les actionnaires de Pfizer n’ont pas vendu leur vaccin au prix coûtant, comme d’autres firmes semblables, c’est parce qu’ils ont « pris un gros risque industriel en investissant des milliards ». Aussi convient-il de dissiper cette idée folle que des scientifiques ont partie liée avec des labos pharmaceutiques. Pour ce faire, le fact-checker délivre une phrase qui emporte la conviction : « c’est quand même une curieuse manière de voir les choses ». Et d’ajouter un argument irréfutable : « désolé mais ça ne tient pas la route ».

Si le fact-checker vous le garantit, c’est que c’est vrai. Le fact-checker n’a pas de biais idéologique. Il fut d’ailleurs membre de l’Observatoire du conspirationnisme, est aujourd’hui membre de l’Observatoire des radicalités politiques et de l’Observatoire du communautarisme. Car l’ami du vrai observe le monde comme un zoologue observe la faune herbivore de Tanzanie : en toute objectivité. Il pourrait aussi bien observer la fraude fiscale des firmes transnationales, car il n’est pas sélectif dans ses observations. Il est la neutralité incarnée. S’il a signé l’appel du Printemps républicain, c’est parce qu’il aime la République, et qu’il aime le printemps. Qui pourrait le lui contester ? Qui n’aime pas le printemps ?  

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