Des villes écossaises à la campagne bolivienne, Cyril Bruyelle a voyagé dans plus de 13 pays en interrogeant des personalités aux profils variés. Des centaines de visages se confessent devant sa caméra, autant de témoignages qu'ils compilent dans des vidéos inspirantes diffusées sur sa page Facebook. Retour sur les coulisses de ces entretiens atypiques dans une série signée par le réalisateur de 20 Questions To the World.
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La ville et la campagne, deux mondes, deux manières d’aborder la vie. D'un côté, ceux interviewés en pleine campagne ont des réponses solaires. Ils n'hésitent pas à confier face caméra que le bonheur est "ici, maintenant", ou bien l'incarnent par un "moi!" cinglant de spontanéité. Ceux là ne cherchent pas le bonheur mais le reçoivent simplement, disciples (malgré eux?) des gourous du développement personnel qui insistent sur l’importance “d’être présent à soi-même”.
De l'autre côté, les réponses des citadins, plus bavards, mais aussi plus torturés. Dans la vidéo, ces derniers s’accordent à demi-mot sur une définition du bonheur très Épicurienne, fondée sur la satisfaction des désirs naturels et nécessaires: “celui qui saura vivre avec peu mais bien”, “celui qui n’a pas besoin de plus que ce qu’il a”. Mais pourquoi donc ne pas la mettre en application? Avoir une définition du bonheur semble justement empêcher de l’atteindre, un peu comme quand on s’imagine son partenaire idéal, sans jamais le trouver. Jean Ferrat ne chante-t-il pas cette contradiction malheureuse entre l’évocation et l’existence du bonheur dans sa chanson "Aimer à perdre la raison", reprise d’un poème de Louis Aragon:
"Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N’est-ce pas un sanglot que la déco
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues."
L'impératif du bonheur
Pourquoi vouloir absolument définir le bonheur? Après avoir écouté plusieurs centaines de réflexions personnelles, une évidence se dégage: les gens tendent à considérer de plus en plus le bonheur comme une fin en soi. "Quel est ton rêve?". "Être heureux!" me répondent souvent les jeunes et les enfants lors des interviews.
Le romancier Pascal Bruckner le dit autrement: le bonheur est devenu "un devoir avec ce que cela suppose d’exclusion, de harassement personnel, d’angoisse." Nous passons de plus en plus de temps à contempler le bonheur des autres, amis, stars, ou parfaits inconnus sur les réseaux sociaux. C'est peut-être aussi ce que vous êtes en train de faire en regardant les vidéos de 20 Questions to the World. Or, "l’objet du bonheur est totalement vague, c’est une quête sans fin” conclue le romancier.
À chacun son bonheur
"Le bonheur ne se cherche pas, mais celui qui a une vie avec du sens est heureux". C'est la conviction de Miguel, 64 ans, retraité bolivien qui vit à Tarija, le dernier témoignage de la vidéo. Lui ne définit pas le bonheur, mais nous indique le chemin. Pour donner du sens à sa vie, encore faut-il apprendre à se connaître. “Qu’est-ce que le bonheur sinon l’accord vrai entre un homme et l’existence qu’il mène?” écrivait Albert Camus dans son recueil d'essais Noces. Là est peut-être l’une des clés du bonheur contemporain.
À la question "Selon vous, quelle est la personne la plus heureuse au monde?", de nombreuses personnes me parlent des enfants en rappelant qu'ils ont l'avantage de ne pas trop se poser de questions sur eux-mêmes. Mais passé l'insouciance de la jeunesse, c’est un travail nécessaire. Mon exercice préféré: prendre une feuille blanche, un crayon, et couper internet (vraiment) quelques heures. Quelles sont les choses les plus importantes dans ma vie? Qu’est-ce que je veux avoir ou ne pas avoir dans mon boulot? À chacun ses questions, et ses réponses. Pour ma part, c'est ainsi qu’est né le projet 20 Questions to the World.
Cyril Bruyelle a terminé l’ESCP en 2013. Après une première expérience entrepreneuriale de lutte contre le gaspillage alimentaire, il a travaillé dans le conseil en stratégie puis dans l’industrie musicale. En juillet 2016, il fonde le projet 20 Questions to the World.
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