Entretien

Yves Sintomer : une troisième chambre tirée au sort pour dépoussiérer la démocratie

Les gilets jaunes, qui cherchent de nouvelles expériences démocratiques, ont appelé à une "assemblée des assemblées". Et s'il fallait, pour sortir de l'impasse, radicaliser notre démocratie ? Et pourquoi pas réinstituer une de ses composantes originelles : le tirage au sort. Rencontre avec Yves Sintomer, politologue et spécialiste des procédures démocratiques. Photos : Cyrille Choupas

Cet article a été initialement publié dans le numéro 34 de Socialter "Fin du monde, fin du mois, même combat?", disponible en kiosque le 10 avril sur notre boutique en ligne.

Les gilets jaunes ont été successivement présentés comme un mouvement anti-taxe puis un mouvement de justice sociale. N’est-ce pas pourtant, au fond, la question institutionnelle et démocratique qui prédomine ?

Ce qui unit les gilets jaunes, me semble-t-il, ce n’est pas tant l’institution au sens strict qu’un déni de reconnaissance auquel ils répondent par une protestation contre l’injustice sociale et contre un gouffre démocratique, un sentiment de non-représentation. Ces deux volets me paraissent indis­sociables : la société ne les reconnaît pas à la fois parce que ses fruits sont répartis de manière trop inégale et parce que leur parole n’est pas ­entendue.

La défiance populaire peut être observée dans la plupart des démocraties occidentales, sous différentes formes. N’est-ce pas là une crise généralisée du «gouvernement représentatif» lui-même ?

Il y a une spécificité française : un pouvoir concentré de manière disproportionnée sur la personne du ­président, peu de contre-pouvoirs, des partis politiques particulièrement faibles… et la révolte des gilets jaunes est une mobilisation sociale qui n’a pas d’équivalent dans les pays voisins. Cette spécificité doit néanmoins être relativisée, car elle s’inscrit dans une crise de la représentation beaucoup plus générale qui touche non seulement les démocraties européennes, mais que l’on retrouve également dans les jeunes démocraties d’Amérique latine ainsi que dans les pays d’Afrique et d’Asie qui ont formellement un système démocratique.

Les gouvernements représentatifs ont été mis en place au moment des révolutions anglaise, française et américaine comme des solutions de compromis. Il s’agit de donner le pouvoir effectif de décision à une élite autoproclamée – de ce point de vue-là, il y a une dimension aristocratique dans le gouvernement représentatif. Cette aristocratie appelée à gouverner n’est cependant plus celle du «sang bleu», des titres de ­noblesse; elle est dès lors déterminée par les électeurs.

Cette institution­nalisation du gouvernement représentatif s’est longtemps faite contre la société de l’Ancien Régime, mais également contre la démocratie entendue comme un «gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple» – pour citer ­Abraham ­Lincoln. L’idée est bien de limiter le pouvoir du peuple en donnant l’essentiel du pouvoir de décision à une aristocratie élue. Cela nous pousse à prendre nos distances avec la conception libérale classique consistant à dire: «la démocratie, c’est les élections».



Parallèlement, il y a une critique du gouvernement représentatif qui émane généralement des milieux libertaires et qui tend à dire que ce système est anti-démocratique par essence. Or il me semble qu’il faut prendre la mesure des transformations historiques qu’a connues le gouvernement représentatif. À partir du moment où, à la fin du xixe siècle, des partis de masse ont permis d’inclure, d’organiser et de faire participer la population, et en particulier les classes populaires, à tel point qu’ils ont engendré les États sociaux du xxe siècle, parler de démocratie représentative n’était plus une imposture complète.

Tout cela a volé en éclats du fait de la bureaucratisation des partis, de l’évolution des structures sociales, de l’augmentation du niveau d’éducation, de l’internet et des réseaux sociaux, de la concurrence des pays émergents sur l’appropriation des ressources et des richesses… Le gouvernement représentatif a perdu son dynamisme, et cette crise me paraît structurelle et très profonde.


Au moment de la Révolution ­française, les démocrates ­s’opposaient aux partisans du ­gouvernement représentatif, qui ont ­finalement gagné et se qualifiaient ouvertement, comme l’abbé Sieyès, d’antidémocrates. À quelle démocratie se ­référait-on alors ?

L’aspiration à s’autogouverner, à prendre directement part aux décisions qui nous concernent, remonte à Athènes où le mot de démocratie est créé et où les premières théorisations et institution­nalisations sont élaborées. Il s’agit d’une démocratie radicale mais en même temps excluante : les esclaves, les métèques et les femmes ne peuvent y participer. Précisons que, comme l’a montré Paulin Ismard, parmi les esclaves figuraient ceux qui avaient l’expertise dans les affaires publiques : les ­Athéniens ont choisi de confier à ces esclaves possédant des savoirs le rôle d’«expert» pour qu’aucun citoyen ne soit de ce point de vue supérieur aux autres.

Cet idéal d’autogouvernement a ressurgi dans certaines communes médiévales et renaissantes, puis lors des révolutions, notamment française, là encore de manière excluante, et enfin dans les éruptions populaires qui ont parsemé le xixe puis le xxe siècle. Mais lorsqu’on passe de sociétés géographiquement et démographiquement restreintes à des sociétés de plus grande taille, où il n’y a plus d’esclaves à qui confier l’expertise, les femmes entrent – avec bien du mal – dans la sphère publique et politique, et la tendance «libertaire» se heurte à des défis importants.

Comment organiser cette démocratie pure à l’échelle des grands États ? Comment éviter des différences trop marquantes entre des endroits géographiquement plus ou moins favorisés ? Comment instituer un droit qui donne une prévisibilité aux comportements, et le faire respecter à cette échelle ? 


Montesquieu disait «Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie». La démocratie, ce n'est donc pas l'élection ? 

Effectivement, on a largement oublié que dans l’histoire républicaine et démocratique, le tirage au sort a été l’un des grands instruments qui permettait de nommer les responsables des affaires publiques. À Athènes, le tirage au sort était fondamental puisqu’il permettait de nommer la grande majorité des magistrats, les membres du Conseil de la Cité qui préparaient les assemblées générales, les tribunaux –ancêtres de nos jurys d’assises– et l’espèce de Conseil constitutionnel de l’époque. On était tiré au sort pour un temps relativement bref, ce qui permettait à tous les citoyens volontaires de participer directement à l’exercice du pouvoir tour à tour.

C’était une école de citoyenneté. Les élections, en revanche, étaient globalement considérées comme aristocratiques. À travers les élections, ce sont ceux qui ont des réseaux d’influence et qui parlent le mieux qui parviennent à se faire élire. Il faut toutefois relativiser cette distinction en précisant que, très souvent, les deux systèmes étaient combinés. Le tirage au sort a ensuite été utilisé très largement: à Rome, il jouait un rôle de pacification des conflits dans les classes dominantes; en Chine, les mandarins se voyaient attribuer les provinces par tirage au sort…

Les jurys populaires sélectionnés de cette manière portaient également cette idée qu’il valait mieux être jugé par des pairs que par un corps de professionnels qui auraient été ­ éloignés de l’expérience sociale de la population. Cette méthode a presque complètement disparu au profit du gouvernement représentatif, mais tirer un trait d’équivalence entre démocratie et élections aurait semblé absurde aux yeux des Athéniens, des Florentins, des Vénitiens… 


La fin du xxe siècle marque-t-elle le retour d’un désir d’expérimen­tation du tirage au sort?

On assiste dans les années 1980 et 1990  à une explosion des expériences reposant sur le tirage au sort, une «première vague» où la référence à Athènes est d’ailleurs très prégnante. Il y a pourtant de grandes différences. On pense obtenir un échantillon représentatif de la population par le sort, or les Athéniens n’avaient pas cette notion mathématique et s’en remettaient au pur hasard. La deuxième grande différence, c’est que l’on souhaite tirer au sort pour créer une Assemblée qui va débattre dans des conditions presque idéales, suivant l’idée de ­Jürgen ­Habermas selon lequel une décision n’est ­légitime que lorsqu’elle est précédée d’une bonne discussion.

La troisième différence, c’est que le tirage au sort intervient à la marge du système politique, et que les mini-publics ainsi constitués n’ont qu’une portée consultative. Cette première vague a permis de montrer qu’avec des débats entre citoyens ordinaires non formés à ces questions – à partir du moment où ils avaient suffisamment d’informations, où ils pouvaient faire des auditions, où la parole était également répartie, en assemblée générale ou en petits groupes – on obtenait une conversation de grande qualité. C’est très impressionnant de voir que les échanges entre ces citoyens ordinaires n’ont rien à envier (et c’est un euphémisme) aux échanges auxquels on assiste dans les assemblées parlementaires. 

On observe actuellement l’émergence d’une seconde vague. Le tirage au sort est maintenant évoqué par des mouvements sociaux en France, dont Nuit debout et certains gilets jaunes. L’Irlande nous a récemment offert un exemple assez paradigmatique de cette seconde vague. On a eu deux assemblées tirées au sort (l’une entièrement, l’autre majoritairement) afin de discuter du mariage pour tous, puis de l’avortement, et de proposer une réforme constitutionnelle, finalement soumise au peuple qui a avalisé les propositions par référendum.

L’Islande est un autre exemple assez important. Le pays était à genoux au moment de la crise des subprimes… Deux assemblées citoyennes ont été tirées au sort (l’une entièrement, l’autre majoritairement) pour proposer d’établir les bases de refondation du pays. Suite à cela : élection d’un Comité constituant où ne pouvaient pas figurer de politiciens professionnels, proposition d’une nouvelle Constitution, validation de celle-ci par un référendum consultatif… finalement enterrée du fait de l’obstruction de la majorité au Parlement, qui a refusé d’appliquer le texte.


On pourrait vous objecter que ce sont là deux petits pays…
Avec le tirage au sort, l’échelle n’est pas fondamentale : on peut l’organiser au niveau d’une ville comme d’un pays, dans des conditions assez similaires.


Avec les gilets jaunes, en plus du tirage au sort, on voit surgir un désir d’expérimentations de la démocratie directe via différents outils...

Le référendum révocatoire tel qu’on le voit se répandre dans le monde peut être une manière de contrôler les élus. C’est un outil centré sur des figures personnelles avec une importante dimension plébiscitaire (on est pour ou contre une personne). Le référendum d’initiative populaire permet, lui, de légiférer et se concentre sur une thématique plutôt que des personnes.

Il y a ensuite eu cette idée d’autogouvernement d’inspiration «conseilliste»
: l’Assemblée des assemblées. Une première réunion s’est tenue, mais son écho est bien moindre que celui des «leaders» autoproclamés des gilets jaunes. La proposition, pour aller vite, est de faire passer la «pyramide soviétique» reposant historiquement sur les lieux de travail et de production aux ronds-points et aux localités. Cette pluralité de formes répond à des logiques différentes.

Il me semble qu’il y a une tension entre, d’une part, une vision de la démocratie où il n’y aurait plus de corps intermédiaires, sans structuration 
organisationnelle, mais seulement des citoyens prenant régulièrement et directement des décisions; et, de l’autre, l’idée qu’il faudrait des contrepoids qui n’abolissent pas le reste du système représentatif mais qui ­permettraient de redynamiser le ­processus politique en redonnant du pouvoir à ceux qui aujourd’hui n’en ont pas. Cette seconde vision me paraît être celle qui prédomine.

Dans votre livre, Petite histoire de l’expérimentation démocratique (La Découverte, 2011), vous aviez proposé la création d’une «troisième chambre» tirée au sort, en plus de l’Assemblée nationale et du Sénat. Quelle chambre et avec quel pouvoir?

Il ne faut pas minimiser la force et l’importance des mouvements sociaux de cette démocratie spontanée mais, en même temps, si l’on veut que les choses changent durablement, il me semble fondamental d’en passer par l’institutionnalisation. C’est d’autant plus vrai pour le tirage au sort: si l’on s’en remet à l’arbitraire du pouvoir en place pour de temps en temps convoquer des assemblées tirées au sort sans obligation ni contrainte quant au respect des décisions prises, alors il y a peu de chances qu’on change la société ou la politique.

Reste à réfléchir à la forme que cela pourrait prendre. Des collègues britanniques ont fait la proposition suivante, qui me paraît très convaincante : il faut faire comme ­l’Héliée, le tribunal athénien, c’est-à-dire tirer au sort 6000 person­nes pour un an minimum puis, sur chaque dossier, tirer au sort parmi elles un jury pour étudier et prendre une décision sur un point particulier. Cela éviterait de transformer les gens en des représentants omnipotents comme les autres. Ces personnes n’auraient pas non plus de compétence particulière, donc si l’on souhaite qu’elles aient une discussion et une décision de qualité, il faut qu’elles puissent se concentrer sur une question sans se disperser. Cela limiterait aussi le jeu des lobbies qui pourraient tenter de corrompre directement ou indirectement ces nouveaux types de représentants puisqu’ils ne pourraient savoir qui va s’occuper de quoi.

Cela permettrait enfin de «rebattre les cartes» à chaque fois et d’empêcher la formation de clivages qui se cristal­liseraient au fil des séances, débouchant sur des «mini-partis» fondés sur des groupes affinitaires. Ces gens devraient non seulement être rémunérés comme des députés, mais aussi avoir la ­garantie de retrouver leur emploi une fois leur mission accomplie. Il faudrait tirer au sort parmi les ­citoyens, voire parmi les résidents sur le territoire français. Bien sûr, il doit y avoir une possibilité de se récuser lorsque l’on a une excuse valable.


Cet article a été initialement publié dans le numéro 34 de Socialter "Fin du monde, fin du mois, même combat?", disponible en kiosque le 10 avril sur notre boutique en ligne.

Quelles seraient les compétences de cette chambre?

Elle pourrait discuter de propositions extrêmement clivantes, leur proposition étant ensuite tranchée par référendum, pour sortir d’une impasse. L’exemple irlandais est paradigmatique, et aujourd’hui, pour conclure le «grand débat» lancé par le gouvernement, une assemblée de ce type pourrait s’emparer de plusieurs thèmes, travailler dessus et soumettre des propositions à référendum afin que l’ensemble des citoyens puisse en décider. Ensuite, cette chambre pourrait s’occuper du jugement de ­responsables politiques et constituer ainsi un tribunal d’assises pour élus.

Il pourrait aussi y avoir la possibilité d’un veto suspensif sur un texte de loi voté par le Parlement, au moins sur les questions du «long terme». Il me semble que l’un des grands défis des gouvernements représentatifs, c’est que les générations futures et les non-humains ne votent pas alors qu’il y a pourtant des intérêts, des valeurs et des droits à représenter. Confier à des citoyens tirés au sort la tâche de représenter ceux-ci n’est peut-être pas la solution parfaite, mais sans doute la moins imparfaite pour donner du poids au long terme. Je crois également que cette chambre devrait décider des règles du jeu électoral en lieu et place des partis.


Ne risque-t-on pas de créer, avec une troisième chambre, une cacophonie voire un conflit de légitimité entre des chambres élues et une chambre tirée au sort ? Qui est le plus légitime dans l’équation ? La personne élue ou celle tirée au sort ? Et quid de la légitimité du Président face à cette chambre ?

Il faut se débarrasser de la figure de la souveraineté, fût-elle démocratique. La souveraineté est un concept d’origine théologique: Dieu est souverain, puis on a une pyramide avec le pape, l’Église, les rois, etc. La notion de souveraineté est ensuite redescendue sur Terre avec les monar­ques absolus, puis a été transférée au peuple au moment de la Révolution.

Qu’est-ce que ça signifie, la souveraineté ? C’est la capacité d’avoir un acteur unique et capable de volonté qui, en dernière analyse, prend les décisions. Au Moyen Âge, on avait une conception politique complètement différente qui reposait sur une pluralité juridique: des législations se contredisaient partiellement, se recoupaient, et il n’y avait ainsi pas une seule source de légitimité mais plusieurs. Il me semble que nous sommes aujourd’hui de nouveau dans cette situation.

Certes, on a un système qui, à l’échelle nationale, donne l’apparence de la souveraineté, mais en réalité une bonne partie des ­décisions clés sont prises par des organismes non élus, des instances d’experts bureaucratiques, des agences de notation qui pèsent de manière fondamentale sur l’action des ­citoyens… La plupart des décisions sont prises par des enchevêtrements de niveaux publics: régional, départemental, national, européen, voire international. Nous vivons de nouveau dans un monde polythéiste, si vous voulez. Il faudra bien entendu résoudre les conflits de légitimité, mais le système très monarchiste à la française est une illusion.

"Le développement de la démocratie directe, entendue de façon réaliste, serait à même de transformer réellement la société."


Une démocratie plus directe pourrait être intéressante à deux égards. D’une part, mettre fin au sentiment d’impuissance face aux enjeux du siècle, à la mondialisation, en plaçant en partie la décision dans les mains de gens ordinaires afin de créer un lien entre le pouvoir et le peuple. D’autre part, on ne pourra plus se contenter de réclamer la vertu des élus, d’accabler la représentation comme la source de tous nos maux. Corollaire: si des choses dysfonction­nent, ce n’est plus la faute de personnes mais d’un système. Cela pourrait donc, d’une certaine manière « ­repolitiser » la politique. Qu’en ­pensez-vous ?

Je suis d’accord avec vous sur ces deux points. La nuance que j’apporterai, c’est qu’au bout du compte, la démocratie directe, si on en a une vision enchantée, ce sont simplement des citoyens ordinaires exerçant le pouvoir. Si on en a une vision réaliste, on s’aperçoit par exemple que pour des référendums, récolter des signatures demande du temps, gagner un référendum nécessite des campagnes très coûteuses, donc on a des intérêts organisés (entreprises, groupes d’intérêt, associations, partis) qui vont jouer un rôle important dans cette démocratie directe.

Et si l’on pense cette démo­cratie selon un modèle plus «assembléiste», conseilliste, là encore, on a des groupes ou au moins des personnes plus centrales que d’autres à la manœuvre. L’idée d’une société gouvernée par des citoyens ordinaires, tous différents mais finalement tous similaires, me semble une illusion. Cela n’empêche pas que le développement de la démocratie directe, entendue de façon réaliste, serait à même de transformer réellement la société. Et l’on peut se faire du souci pour l’avenir de cette société si des changements fondamentaux ne sont pas opérés. 


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