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Voyage dans l'antre anti-fake news du Monde

Avec la rubrique les Décodeurs et l'outil lancé récemment par Facebook, les citoyens assistent les journalistes du Monde dans la chasse aux fake news. Cette collaboration semble idéal mais qu'en est-il vraiment derrière les écrans?

Mercredi 7 juin à 16h, au siège du Monde. Le combat contre les fake news ne s’arrête jamais pour les journalistes des Décodeurs qui peuvent compter sur le partage de connexion pour faire face à une panne de réseau interminable. À l'origine, il y a 6 ans, les Décodeurs était un blog collaboratif où les internautes et les journalistes vérifiaient ensemble la véracité des déclarations. Mais ce projet a finalement été abandonné. «On s’est tout de suite rendu compte que l’immense majorité des participants apportaient peu de connaissances», affirme Nabil Wakim, l'initiateur du blog, tout en nuançant ses propos. «Deux types d’individus étaient utiles: les experts et ceux avec des bonnes compétences numériques, qui pouvaient aller chercher des informations».

En 2014, les Décodeurs deviennent une rubrique du quotidien. La rédaction est composée aujourd’hui de 12 membres. Un à deux journaliste traitent spécifiquement des fake news, les autres se chargent de décrypter l’information. Ce sont désormais les journalistes qui réalisent l'essentiel du travail de fact-checking. Quant aux citoyens, ils peuvent laisser des commentaires sur le fil Facebook ou Twitter des Décodeurs ou lors de sessions en direct. La violence des propos tenus sur les deux réseaux sociaux peut freiner la chasse aux fake news. «Par peur d'être jugées, les femmes peuvent moins s’impliquer, à l’inverse des militants. D'où l'intérêt d'ouvrir le plus possible nos canaux privés comme les mails et de lancer des discussions en live où les contenus sont modérés», souligne Adrien Sénécat, le traqueur de fake news à la rédaction des Décodeurs.


Des signalements de fake news parfois complètement "fantaisistes"


Depuis février, Le Monde s'attaque aux intox avec Facebook et sept autres médias français en associant les internautes. Le procédé est simple: un utilisateur de Facebook signale une information qu'il juge fausse. Le post remonte ensuite aux médias partenaires. Si deux d'entre eux parviennent à prouver son inexactitude grâce à un lien, le contenu apparaîtra avec un drapeau mentionnant que deux «fact-checkers» remettent en cause sa véracité. Sa visibilité sera ensuite réduite. Le dispositif paraît idéal. Mais la réalité est plus contrastée comme le démontre Adrien Sénécat. «Le fil de signalements est pollué par de nombreux signalements inintéressants ou fantaisistes». Par exemple, certains cherchent à savoir si Messi a réellement été condamné à 21 mois de prison ou si Jamel Debbouze a été accusé de crime. «L'initiative lancée par Facebook est utile pour stopper la diffusion de fake news mais ne nous sert pas vraiment à détecter les fake news», poursuit Adrien Sénécat. «Nous nous reposons surtout sur notre liste de sites qui relaient souvent de fausses informations comme le site La Gauche m'a tuer».

 
Médias/Citoyens: une relation de défiance qui met à mal la lutte contre les fake news


Pour travailler efficacement avec les citoyens, encore faudrait-il que les internautes fassent confiance aux médias. Or, 67% pensent que les journalistes ne résistent pas aux pressions du pouvoir d'après le baromètre publié en février par l'institut Kantar, sur un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes.

Nabil Wakim espère que les Décodeurs pourront rétablir une certaine «forme de confiance  » en permettant à des individus de discuter avec les journalistes de la rédaction. En observant la page Facebook des Décodeurs, on s’aperçoit pourtant que ce dialogue est très limité. Entre le 8 mai et le 9 juin 2017, aucun journaliste n'a répondu aux interrogations ou aux affirmations du public suite à des articles publiés par les Décodeurs remettant en question des intox.

En attendant, comme le rappelle Adrien Sénécat assez cyniquement: «les journalistes ne pourront pas convaincre tout le monde». D’où l’idée de lancer l’opération « TousFactCheckers ». Depuis le 21 avril, le Monde en partenariat avec Rue 89 Mooc et France Info aident les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs à repérer par eux-mêmes de fausses informations.


 

 

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