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Un gaz 100% renouvelable en 2050, mais à quel prix ?

Une étude de l'ADEME, GRDF et GRTgaz estime que la consommation de gaz en France pourrait dès 2050 être couverte par un mix d'origine 100% renouvelable grâce à différentes techniques. Mais quelles pourraient êtres les conséquences sur les ressources agricoles?

La France n’utilisera-t-elle plus que du gaz totalement renouvelable en 2050? L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), GRDF et GRTgaz ont publié une étude afin d’estimer les besoins et les techniques nécessaires pour d’atteindre cet objectif. Depuis 2013 et la fermeture du gisement de Lacq (Pyrénées-Atlantique), la France ne produit plus de gaz naturel. Le pays importe donc cette énergie principalement de Norvège (42%) et de Russie (11,4%). Cependant, le production de gaz renouvelable s’installe progressivement en France. Il existe actuellement 38 sites d’injection de biométhane sur le territoire français, le premier ayant vu le jour en 2011.

L’étude met en avant trois techniques de production de gaz renouvelable. La méthanisation consiste à utiliser “‘des micro-organismes pour décomposer la matière organique et produire un mélange appelé biogaz”, explique le rapport. La pyrogazéification permet de produire à partir de matière organique comme le bois ou la paille un gaz de synthèse. Enfin, le power-to-gas est “un procédé de conversion d’électricité renouvelable en gaz de synthèse”, ce qui permet de stocker la surproduction d’énergie. Les deux dernières techniques citées “sont considérées comme mature en 2050 avec des hypothèses de gains sur leur rendements”.
 

Une production totale de 460 TWh


L’ADEME a défini quatre scénarios afin d’étudier la faisabilité d’une France produisant 100% de gaz renouvelable en 2050. Le premier, “100% EnR&R - Énergies Renouvelables et de Récupération” suit les projections de l’ADEME, qui évalue la demande nationale de gaz à 300TWh. Le second privilégie une augmentation de la production de gaz par pyrogazéification causée par une hausse de la demande. Le troisième limite à 80% la capacité de production de gaz, afin d’évaluer les possibles impacts environnementaux ou les difficultés de développement des différentes filières. Le dernier intègre la consommation de gaz naturel tel que nous l’utilisons aujourd’hui à hauteur de 25% de la demande.

L’ADEME établit une capacité de production finale allant jusqu’à 460 TWh de gaz renouvelable: 30% à partir de la méthanisation, 40% pourraient être fournis par la pyrogazéification et 30% par le power-to-gas, pourcentage maximal ajustable en fonction des différents scénarios. Un chiffre “suffisant pour satisfaire la demande de gaz à l’horizon 2050” d’après l’ADEME qui prévoit dans ses quatre hypothèses une demande variant de 276 à 361 TWh, inférieure à la consommation nationale en 2017 (465 TWh). Cette production permettrait d’éviter le rejet de 63 millions de tonnes de CO2 par an selon l’étude de l’ADEME, pour une économie annuelle de 12,6 milliards d’euros, somme calculée à partir de la taxe carbone qui coûterait 200 euros par tonne de CO2 émise.
 

Un gaz plus propre mais plus cher


Du gaz renouvelable, mais à quel coût? Les différents scénarios estiment un montant total (production, stockage et utilisation) allant de 116 à 153 euros par MWh. Les différences s’expliquent notamment par “une sollicitation plus forte de la filière pyrogazéification qui a un coût de production plus faible que le power-to-gas”. Aujourd’hui, Engie, le premier fournisseur de gaz en France, vend le KWh de gaz 0,0857 euro, soit 85,7 euros le MWh. Le prix d’un MWh issu du gaz renouvelable coûterait donc environ 30 à 70 euros plus cher qu’un MWh de gaz naturel classique.

Le coût n’est pas seulement financier, mais aussi écologique. Les biocarburants ont illustré les dégâts que pouvaient causer l’utilisation de ressources agricoles pour la production d’énergie.  Fabriqués à partir d’extraits de colza, de tournesol, de maïs ou de canne à sucre, ces carburants sont responsables de la hausse des prix de ces matières premières. Par exemple, début 2011, le maïs somalien avait flambé de 106% en un mois. En cause : une surexploitation des sols, auparavant consacrés à l’alimentation, provoquant une hausse de la demande. "Ce n'est pas qu'il n'y a pas assez de ressources pour satisfaire les besoins des hommes. Par contre, il n'y en a pas assez pour répondre à leur demande", avait ainsi résumé un rapport de la FAO de juillet 2011.

Parant à ces critiques, l’étude de l’ADEME affirme que la production de gaz n’entrera pas “en concurrence avec l’agriculture, l’industrie du bois ou l’alimentaire qui “restent prioritaires”. La méthanisation sera donc assurée par matières organiques issues de l’agriculture, comme les déjections d’élevages ou les résidus de culture ; des boues des stations d’épuration ou des déchets alimentaires et ménagers. En ce qui concerne la pyrogazéification, le gaz sera fabriqué à partir de résidus agricoles ou de matières issues de parois de bois ou de paille. En revanche, cela nécessitera la “généralisation des cultures intermédiaires et de la méthanisation comme outil énergique”, mais aussi une “sylviculture dynamique et durable” avec une exploitation raisonnée des ressources forestières.

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