A compléter

Travailler ensemble pour échapper à la précarité, un modèle toujours en construction

Non, le salariat en entreprise n'est pas une fatalité. Tout comme le statut d'auto-entrepreneur n'est pas la seule option pour les indépendants. D'autres structures dans lesquelles il est possible d'entreprendre existent. Alors que l'ubérisation de l'économie est décriée, un modèle émerge : exercer son métier en dehors de l'entreprise mais en bénéficiant d'un réseau et d'une sécurité de l'emploi. Une vague d'enthousiasme, mais aussi des doutes quant à la viabilité de ces structures encore imparfaites.

  • C’est quoi une coop de travail?

Partage, solidarité, et collaboration sont les maîtres mots de structures de travail qui s’éloignent des entreprises traditionnelles. Leur vrai nom, c’est “Coopérative d’activité et d’emploi”. Mais on les appelle plus fréquemment “coopératives” ou “coop”. Ces structures passent d’abord par un espace commun, un local que les entrepreneurs peuvent considérer comme leur “bureau”. C’est aussi une charpente administrative et juridique.  A l’intérieur de ce cadre, un entrepreneur peut mener son activité, comme dans une entreprise au service de ses salariés.  


  • Salarié, mais totalement autonome

Les entrepreneurs qui choisissent d’intégrer une structure coopérative en deviennent salariés. Dans une coop, il y a donc plusieurs salariés qui ne travaillent pas dans le même domaine mais qui contribuent à un objectif commun: faire vivre la structure qui les aide. À l’intérieur de la coopérative, une équipe de membres permanents prend en charge la comptabilité, l’administratif et le juridique. Et cela a des avantages. Par exemple, l'entrepreneur n’a pas besoin de demander un numéro de SIRET pour facturer ses clients. La coop lui en fournit un. Il n’a pas non plus besoin de faire sa comptabilité —ses cotisations sociales, la TVA, son épargne- c’est la coop qui s’en occupe. La vie en coopérative, c’est aussi une réunion mensuelle, des élections pour élire un gérant, et un pot commun. En moyenne, l’entrepreneur met 10% de son chiffre d’affaire dans la “contribution coopérative”. Ce pot commun est utilisé pour rémunérer les membres permanents de la coop.

  • Indépendant, mais jamais seul


Le collectif, c’est un réseau. Même si les entrepreneurs n’ont souvent pas le même domaine d’activité, le réseau dans une coopérative prend tout son sens. Trouver ses futurs partenaires, ou même de nouveaux clients qui auraient déjà travaillé avec un autre entrepreneur de la coop devient possible, et même beaucoup plus facile. Les travailleurs peuvent aussi mettre en commun leurs outils, dans le cadre de l’artisanat, ou même un lieu de production ou la logistique : une boutique ou des camions de livraison peuvent être utilisés par plusieurs entrepreneurs et ainsi faire baisser les coûts de chacun.

  • La journée d’un travailleur coopératif

Prenons un électricien. Cet électricien, exerçant comme indépendant, a choisi de travailler au sein d’une coopérative. Ce matin, il se rend chez un client pour installer de nouvelles prises. Le contrat a été signé en amont entre son client et sa coopérative. Une fois son travail achevé, la facture est envoyée au client par la coop, et l’argent de la prestation arrive sur le compte entrepreneur de l’électricien. Ce bénéfice va servir à plusieurs choses. D’abord, une petite partie sera reversée dans le pot commun de la coopérative. Le reste sera divisé entre frais professionnels, salaire et cotisations sociales. Enfin, la dernière partie constituera une réserve pour l’électricien, qui lui permettra de pouvoir vivre plus sereinement une période éventuelle de baisse d’activité.

  • Tout le monde peut rejoindre une coopérative

Dans de rares cas, une sélection à l’embauche s’opère. Chez Oxalis par exemple, une des coopératives pionnières qui regroupe aujourd’hui plus de 250 membres, il faut que le projet présenté par l’entrepreneur soit viable. Mais la plupart du temps, il peut intégrer n’importe quelle coopérative à partir du moment où il a un objectif professionnel bien défini. Pour les trouver, il suffit de parcourir les sites qui recensent les coopératives en France.

  • Alors pourquoi les coops peinent-elles à s’imposer ?

Présentées comme des solutions à la crise du salariat, les coops ne suscitent pas l’enthousiasme des foules. Au contraire, elles font débat dans la sphère publique et surtout scientifique. Le modèle de la coopérative est d’abord sujet de discorde. Les structures SARL, SA, SCIC, pour certaines héritées du capitalisme ne parviennent pas à mettre d’accord les défenseurs des coopératives. L’entre-soi est un autre problème. Les coopératives ne sont pas nouvelles : héritées du XIXème siècle, elles connaissent un regain d'intérêt en France depuis les années 2000. Après une vague de développement entre 2003 et 2010, l’élan s’est essoufflé. Aujourd’hui, celles qui sont établies sont presque des dynasties selon certains chercheurs, et elles ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de nouveaux membres dans la famille. Pour elles, il vaut mieux développer de nouvelles coopératives que d’élargir celles qui existent déjà. Mais si créer sa coopérative est possible, c’est certainement un frein supplémentaire pour des travailleurs qui hésitent déjà à se lancer dans l’entreprenariat. Aujourd’hui, entre 7000 et 8000 personnes travaillent au sein de coopératives en France.

  • Petit lexique du futur salarié coopératif

CAE : coopératives d’activité et d’emploi. Aussi connues sous le nom de coopératives ou coops.

Coopaname : elle fait partie des coopératives les plus connues en France. Créée en 2004 qui rassemble aujourd’hui 850 entrepreneur de différents secteurs d’activité. Pour y rentrer, vous pouvez assister aux réunions d’information. Coopaname propose ensuite des rendez-vous individuels pour examiner les projets.

Oxalis : créée en 2001, elle regroupe 180 entrepreneurs. Elle fait partie avec Coopaname de la manufacture des coopératives, un groupe de travail qui réfléchit au modèle en invitant chercheurs, économistes, et acteurs des coopératives.

SCIC : société coopérative d’intérêt collectif. C’est la forme juridique d’une coopérative qui peut être associée à des structures plus traditionnelles comme les SA, les SAS  ou les SARL. Sans but lucratif, organisée autour d'un projet collectif d'utilité sociale, elle fonctionne sur le principe d'une personne, une voix. Une entreprise en SCIC est constituée de ses salariés, de bénéficiaires et de contributeurs. 

    SCOP : société coopérative et participative. Là encore, c’est une forme juridique que peut prendre l’entreprise. Elle implique que la SCOP appartient aux salariés (ils possèdent au moins 51% du capital).

     

    Soutenez Socialter

    Socialter est un média indépendant et engagé qui dépend de ses lecteurs pour continuer à informer, analyser, interroger et à se pencher sur les idées nouvelles qui peinent à émerger dans le débat public. Pour nous soutenir et découvrir nos prochaines publications, n'hésitez pas à vous abonner !

    S'abonnerFaire un don