A compléter

[Témoignage] Contre la malnutrition, a-t-on tout essayé?

Parce que les liens entre alimentation, hygiène de vie et santé à long terme sont avérés, il est important de les appréhender dès le plus jeune âge. En effet, 49% des décès prématurés avant 55 ans seraient attribués au mode de vie, d'après un rapport de l?OMS de 2010. Comment sensibiliser un maximum d'enfants dès le plus jeune âge, à prendre en main leur capital santé? Comment donner des outils pratiques au plus grand nombre pour devenir acteur de leur santé durablement? Ateliers d'éducation à la santé ou jeux adaptés en fonction des publics visés sont autant de moyens de reconfigurer ce vaste enjeu de santé publique qu'est la prévention santé.

En France, la fondation PiLeJe, œuvre d’intérêt général à but non lucratif visant à promouvoir la santé durable, organise depuis 12 ans des évènements afin de transmettre de manière interactive et ludique des connaissances sur les bienfaits d’une alimentation équilibrée et d’une activité physique régulière, dans des mairies, écoles, collèges, entreprises... Pour les écoles primaires, le jeu Nutrissimo Junior permet ainsi d’éveiller la curiosité des enfants en leur donnant des clefs pour un comportement alimentaire adapté. Ce jeu éducatif innovant, conçu comme une sorte de Trivial Pursuit sur la nutrition, a été développé par l’Institut Pasteur de Lille (soutenu par la fondation PiLeJe et la fondation Bel).

Des conférences pour enfants et parents sont également organisées, et le personnel scolaire, périscolaire et les chefs de cuisine sont formés par l’équipe de l’Institut Pasteur. Objectif : avoir une approche globale enfants-parents-école pour agir sur l’écosystème éducatif et permettre à chacun d’avoir un socle commun de connaissances sur l’alimentation santé. Depuis 2014, ce programme a été déployé dans près de 60 villes, et a permis de sensibiliser plus de 13.000 enfants.

Aux côtés de la fondation PiLeJe avec laquelle je travaille, mais aussi au sein de l’Association pour l’éducation à la santé et au bien-être dont je suis déléguée générale et qui organise des ateliers d’éducation à la santé,  je me suis passionnée pour la transmission de bonnes pratiques en matière d’alimentation santé et d’hygiène de vie.

Afin d’aller plus loin dans cette démarche de sensibilisation sur le terrain,  j’ai décidé d’aller au Kenya dont l’espérance de vie figure à la 149e place (63,4 ans, contre la 10e place pour la France) afin d’initier un programme d’éducation à la santé dans un centre situé dans l’un des bidonvilles au nord-ouest de Nairobi, dans le quartier de Kangemi. Celui-ci regroupe plus de 250.000 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Avec seulement trois écoles publiques, une quarantaine d’écoles communautaires ont vu le jour. Kangemi Ressource Center, qui existe depuis 2008, est un centre éducatif qui permet aux écoles locales d’avoir accès à une bibliothèque, une salle d’ordinateur et de bénéficier de programmes d’éducation, y compris d’éducation à la santé et à l’hygiène (notamment hygiène dentaire et lavage de mains).

Le centre distribue également de l’eau potable pour les habitants des bidonvilles grâce à un système de filtration. Il s’agit d’un lieu de vie inspirant, animé par de gens passionnés par l’éducation et créé par une femme franco-belge qui a passé une dizaine d’années sur place pour tisser des liens avec les populations locales, des bénévoles et des mécènes.

Ayant été particulièrement marquée par le succès du programme Nutrissimo Junior en France, je cherchais un support adapté pour les pays en développement afin d’effectuer des formations nutrition/hygiène de façon ludique. Ainsi ai-je identifié le jeu Nutricartes, conçu par des pédiatres français pour apprendre à classer les aliments entre différentes catégories: aliments de construction (protéines animales et végétales), aliments d’énergie (glucides, lipides), aliments de protection (légumes verts, fruits) et les boissons. Avec un plateau de jeu et 150 cartes photos d’aliments, le but est de faire comprendre l’utilité d’une alimentation variée pour grandir et rester en bonne santé. Rien d’autre que du bon sens, mais qui s’avère fort utile dans ce contexte.

Les futures mères devraient également être sensibilisées à l’importance de l’alimentation des « 1.000 premiers jours »*. C’est durant cette période cruciale que se construit la santé du futur adulte et que la consommation de protéines revêt une importance particulière. Si certaines protéines animales (viande, poisson) sont souvent jugées trop chères pour les populations locales, les œufs sont plus abordables et les protéines végétales (lentilles, pois chiches, haricots…) semblent plus ancrées dans les habitudes alimentaires.

L’ugali, farine de maïs cuite à l’eau est aussi très répandue dans l’alimentation kényane car elle est peu chère et nourrissante, mais elle a une faible densité  nutritionnelle. Aussi convient-il d’expliquer que l’alimentation sert avant tout à apporter des nutriments destinés à donner de la force, des vitamines et de l’énergie, et pas uniquement à assouvir sa faim. Les aliments issus de notre mode de vie occidental ont également fait largement leur apparition, notamment bonbons, gâteaux sucrés et Coca Cola… qui est moins cher que l’eau !

Face à l’explosion des maladies chroniques (hypertension artérielle, obésité, diabète, cancers, allergies…) qui représentent 60% des décès dans le monde, 35 millions de morts par an dont 80% dans les pays à faible ou moyen revenu, il y urgence. Persuadée que les solutions pour accompagner les changements de mode de vie doivent venir de chacun d’entre nous, l’éducation est l’axe majeur pour conférer aux populations les moyens d’améliorer leur santé sur le long terme. Il reste encore beaucoup à faire, mais chaque pierre contribue à la construction d’un édifice.

*Concept développé par l’OMS pour désigner la période allant de la conception aux deux ans de l’enfant


Marie Dewavrin



Juriste de formation, Marie Dewavrin a travaillé plusieurs années à l’Assemblée Nationale et au Sénat en tant qu’attachée parlementaire. Depuis 2011, elle accompagne des entreprises, syndicats professionnels et fondations dans leur stratégie de relations institutionnelles et de communication. Elle est particulièrement engagée dans le secteur de la santé, et s’implique notamment pour promouvoir la prévention santé auprès des pouvoirs publics et pour aider les gens à devenir acteurs de leur santé.

 

 


 

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