Editorial

Technologies de surveillance et vie numérisée : la France à un tournant ?

Hustvedt

Le confinement s'annonce comme une étape décisive dans la numérisation de tous les aspects de nos vies. Divertissement, accès aux biens de consommation, éducation, travail, tout y passe. Si ce nouveau monde digital s'avère assez dystopique, certaines lueurs d'espoir subsistent tout de même.

Après s'y être opposé le 26 mars en notant que «ce n'[était] pas vraiment la culture française», le gouvernement va finalement ouvrir la voie au « tracking ». Comprendre : mettre sous surveillance les déplacements de tout ou partie de la population pour des motifs sanitaires. Ce revirement n'est pas difficile à comprendre : des ballons d'essai ont été envoyés dans les médias, et l'acceptation semble suffisante. Après tout, 48% des Français seraient “sans aucun doute” prêts à installer une application permettant de savoir s’ils ont été en contact avec des porteurs du coronavirus et 31% déclarent le faire “probablement”, selon un récent sondage.  

Nous y voilà : la numérisation de la vie est en « beta test », pour reprendre le vocabulaire des ingénieurs informatiques. Confinés, il ne nous reste guère d'autre solution que de redéployer toutes nos interactions sociales et marchandes dans la Toile. La crise amplifie ce qui était déjà là en germe : invisibilisation des livreurs et des travailleurs de la logistique, déploiement de technologies de surveillance (tracking, drones, reconnaissance faciale...), pénétration toujours plus poussée des GAFAM et autres géants du web dans nos vies.

On pourrait pronostiquer une "stratégie du choc" : profiter de la crise pour renforcer encore davantage les logiques libérales et de surveillance, rendre normal l'état d'exception. La manœuvre est connue. Mais cette vie de divertissements télévisuels, de "liens faibles" et de "conf call" (réunions en télétravail) dévoile aussi ses limites : manques, lourdeurs, aliénations. La réalité n'est pas à la hauteur de la promesse. En même temps, la crise a permis de renouer avec certains aspects positif d'Internet qu'on croyait disparus : partage de connaissances en libre, accès aux richesses de la culture, collaborations nouvelles...

Le rapport de force entre les logiques sécuritaires et les logiques de convivialité dans et hors les réseaux était latent depuis longtemps. Il devient aujourd'hui bien visible. Le moment serait-il décisif ?

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