A compléter

[Rapport] Le mal-logement, malheur de 15 millions de Français

Où dormir ce soir ? Et dans quelles conditions ? Pour trop de Français encore, c'est une véritable hantise. Dans son 21e rapport annuel sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre a jeté la lumière sur des chiffres alarmants : presque 15 millions de personnes sont touchées par la crise du logement en France.

Avec moins de 660 euros par mois, trouver un logement décent est un défi quasi insurmontable. 2,7 millions de Français sont dans cette situation, 6 autres millions vivent avec à peine plus, moins de 980 euros mensuels. En tout, c’est environ 14% de la population française qui souffre de pauvreté.

Publié jeudi 28 janvier, le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre en a souligné les conséquences : 141 500 individus se retrouvent sans domicile fixe, à l’hôtel, sous un abri de fortune ou en centre d’hébergement. D’après le porte-parole de la Fondation, Joaquim Suarez, “l’intensité avec laquelle la pauvreté s’est aggravée” est de plus en plus préoccupante, et conduit inévitablement à la problématique du logement. Le rapport fait état d’une augmentation de 50% du nombre de sans domicile fixe entre 2001 et 2012. Le porte-parole a rappelé au journal Le Monde que plus de 2 000 personnes meurent chaque année à la rue, citant une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).


Les classes populaires et les personnes vulnérables, premières victimes

La Fondation Abbé Pierre s’est également penchée sur la situation des personnes habitant dans des conditions si difficiles que le terme de “logement” paraît inapproprié. Près de 2,1 millions de Français n’ont pas d’eau courante, de WC intérieurs, de douche, de chauffage ou de coin cuisine. 934 000 habitants occupent des espaces “surpeuplés”, où il manque deux pièces par rapport à la norme pour vivre décemment.

Quand on est malade, on reste à la maison, mais quand c’est le logement qui rend malade ?”, interrogeait la Fondation dans sa campagne de sensibilisation en 2007. Le mal-logement peut aller jusqu’à avoir des dégâts désastreux sur la santé des citoyens.Certaines habitations insalubres sont à l’origine de nombreuses pathologies (saturnisme, allergies, asthme). Littéralement, on peut donc être “malade du mal-logement”.



C’est un cercle vicieux : “
une mauvaise santé est un facteur discriminant pour accéder et se maintenir dans un logement digne”, précise la Fondation Abbé Pierre. Le rapport pointe du doigt les faiblesses de notre système et les discriminations qu’il provoque. Les personnes vulnérables en sont les premières victimes : un tiers des individus ayant des troubles psychiatriques n’ont pas de toit. Sans grande surprise, les classes populaires sont les plus touchées par cette crise. Au total, près de 15 millions de Français sont sans domicile, mal logés ou fragilisés par une grande précarité.
 

En attendant les pouvoirs publics...

Dressant un bilan des politiques de logement des dernières années, la Fondation Abbé Pierre est très sombre dans ses conclusions : certains engagements politiques “ont été tout simplement reniés”, déclare-t-elle, évoquant la loi Alur, votée en 2014 puis abandonnée la même année car jugée trop coûteuse. L’objectif de 500 000 habitations construites par an est “bien loin d’être atteint”, avec seulement 109 000 bâtiments érigés en 2015. L’organisme renouvelle donc avec vigueur ses recommandations aux pouvoirs publics : relancer la construction de logements sociaux pour les plus modestes, et “repartir à la conquête du parc privé” (c’est-à-dire tous les habitats hors HLM) en incitant les propriétaires à accepter davantage de ménages modestes. “L’encadrement des loyers participe de cette stratégie”, conclut Joaquim Suarez. Cette mesure, qui devait couvrir 28 agglomérations, n’est pour l’instant appliquée qu’à Paris.

Devant l’inefficacité des politiques publiques et l’urgence de la crise, des associations se mobilisent. Depuis près de 30 ans déjà, les bénévoles de Habitat et Humanisme aident des personnes seules et des familles en difficulté à accéder à des logements décents et abordables, dans des “quartiers équilibrés”. Reconnu d’utilité publique, le mouvement les accompagne pour favoriser leur insertion et booster leur estime de soi. Des fondations d’entreprise participent également à cette lutte contre le mal-logement : en novembre 2013, la Fondation Somfy a initié la création des Petites Pierres, une plateforme de financement participatif autour de l’habitat solidaire partout en France. Particuliers comme organisations ont ainsi apporté plus de 500 000 euros à une quarantaine de projets associatifs - une belle pierre apportée à la cause de l’Abbé.


Rapport complet à consulter sur le site de la Fondation Abbé Pierre

[Crédit photo : ValK]

Soutenez Socialter

Socialter est un média indépendant et engagé qui dépend de ses lecteurs pour continuer à informer, analyser, interroger et à se pencher sur les idées nouvelles qui peinent à émerger dans le débat public. Pour nous soutenir et découvrir nos prochaines publications, n'hésitez pas à vous abonner !

S'abonnerFaire un don