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Quand le numérique booste les liens intergénérationnels : le collaboratif en plein papy-boom

Cet article a initialement été publié dans le numéro 23 de Socialter (juin-juillet 2017). Partage d'activité, de repas, de logement... De nombreuses plateformes s'adressent désormais aux personnes âgées et n'hésitent pas à solliciter directement leurs compétences. Derrière les vitrines numériques, c'est d'abord des liens intergénérationnels qu'il s'agit de tisser.

Apprenez la couture ou la photo

« Faire sa B.A. auprès d’une personne âgée, on s’en lasse vite et cela contribue à placer la personne en situation d’assisté », reconnaît Barthélemy Gas, qui a cofondé avec Thibault Bastin la start-up Les Talents d’Alphonse (lire Socialter n° 19). Le principe de cette plateforme ? Montrer au contraire que nos aînés ont beaucoup à nous apporter. Pour cela, l’équipe de 8 personnes rencontre des seniors et s’entoure de retraités passionnés par un domaine qui ont envie de transmettre leurs connaissances : les fameux « Alphonse ».

Auprès d’eux, il est possible de se former à la couture, la musique, la photo, aux langues étrangères… « On favorise les activités susceptibles de construire une relation à long terme entre les “Alphonse” ou “Alphonsine” et les “Curieux”, souvent trentenaires, désireux d’acquérir ou de perfectionner une pratique à moindre coût », précise Barthélemy. Deux cents retraités ont ainsi été recrutés par l’équipe et ont déjà dispensé plus de 1 200 heures de cours. Avec l’aide de la mairie de Paris, la start-up essaime à travers la capitale – en s’appuyant notamment sur les clubs et les résidences seniors – et compte bien, demain, être présente partout en France.





« Il nous faut mêler les réseaux du numérique et du collaboratif aux réseaux de l’économie sociale et solidaire (ESS) plus anciens, car on ne recrute pas nos “Alphonse” via Facebook », explique Barthélemy. Côté tarif, comptez 15 euros pour une heure de cours – le paiement s’effectuant via la plateforme. « Nos retraités sont là pour partager et non pour une relation financière, insiste le cofondateur. Ça peut néanmoins être un complément de retraite, mais on n’est certainement pas une plateforme de jobbing pour personnes âgées ! » À noter que de telles plateformes existent, comme Seniors à votre service sur laquelle – comme son nom l’indique – des seniors proposent leurs services en secrétariat, jardinage, soins esthétiques, finance...


Goûtez à un plat... et pourquoi pas taillez une bavette ?

C’est souvent l’eau à la bouche que l’on repense aux plats de nos grands-parents. Et il existe désormais un vrai marché pour valoriser le savoir-faire culinaire de nos aînés. Installée de façon nomade dans les gares de Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines (78), Clamart et Colombes (92), et de façon permanente dans la gare Montparnasse à Paris, l’entreprise Nos Grands Mères ont du Talent mise ainsi sur cette nostalgie. « Nos produits sont ultra frais. Ils sont pensés par le chef cuisinier Denys, âgé de 65 ans, passionné de cuisine et d’histoire. La carte est renouvelée chaque semaine et nous employons aujourd’hui 6 personnes de plus de 45 ans », précise Jean de Guerre, cofondateur de cette enseigne de restauration à emporter.

De son côté Mamie Foodie est un traiteur qui emploie une quinzaine de personnes âgées pour des repas en entreprise ou lors de soirées événementielles. La start-up travaille notamment avec l’association les petits frères des Pauvres pour recruter des personnes isolées. Au menu : des classiques, comme les cannelloni et les blanquettes, mais aussi des plats plus exotiques puisque des grands-mères de toutes les origines sont derrière les fourneaux. Avec une liberté (quasi) totale pour les recettes : « On veut que ce soit des plats bons pour la santé et on assiste les grands-parents en cuisine pour que ce soit parfois un peu moins gras », concède Johanna Pestour, cofondatrice de l’entreprise avec Valentine Foussier. Sur le même créneau, Mamie Régale valorise la cuisine des seniors parfois isolés en livrant des plats goûteux et solidaires lors des déjeuners en entreprise.

Mais on peut faire plus que manger la cuisine des seniors, on peut la partager avec eux : c’est ce que propose la plateforme Paupiette, lancée par Enora Goulard. Encore à l’état « artisanal », le projet permet aux seniors qui préparent des repas d’inviter des étudiants à leur table pour la modique somme de 7 euros maximum par personne. Une quarantaine de déjeuners intergénérationnels ont ainsi été partagés grâce au projet à Bordeaux. Comme pour Les Talents d’Alphonse, l’important est de passer un bon moment et non de gagner de l’argent. « Ce qui est amusant, c’est lorsque les gens ont parfois le temps de flâner, de papoter. Une mamie échange ses recettes de cuisine, une autre prête de la musique », glisse Enora.




Partagez un toit et une tranche de vie



On ne décide évidemment pas de vivre avec quelqu’un comme on choisit un repas ou une activité sur une plateforme. Néanmoins, depuis juin 2016, le site
CetteFamille permet de connecter les personnes âgées dépendantes et leur entourage avec des familles désireuses de les accueillir. Disponibilité, coordination médico-sociale : la famille d’accueil doit avant toute chose recevoir l’agrément du conseil départemental. À l’arrivée, elle touchera entre 1 500 et 2 000 euros pour le service rendu (soit un tarif inférieur à celui des maisons de retraite).

«
Ce sont souvent des femmes d’une cinquantaine d’années dont les enfants sont partis et dont le mari travaille encore, décrit Agathe Pommery, cofondatrice de la plateforme. Elles aiment prendre soin des personnes âgées et les accueillir leur permet de travailler tout en restant à la maison. » CetteFamille vient de lever 500 000 euros, notamment auprès de MAIF, et compte déjà 11 personnes dans son équipe. Seule une quinzaine de familles a néanmoins été mise en relation via la plateforme, car « trouver les bonnes personnes prend du temps », précise Agathe.

Pour les mêmes raisons, le logement intergénérationnel (un senior héberge un jeune en échange de compagnie et d’assistance quotidiennes) peine encore à faire sa mue sur le web. Lancée en mai 2016, MamyRoom permettait de connecter les deux générations pour habiter ensemble, mais la plateforme « est en stand-by », selon les mots de sa cofondatrice Anaïs Legras. Le mieux reste donc de s’appuyer pour l’instant sur les nombreux réseaux locaux de logement intergénérationnel, notamment Le Pari Solidaire, chapeauté par le GROUPE SOS. Créée fin avril 2004, l’association a permis à 3 500 jeunes de trouver un logement. Et donc à autant de seniors de rompre avec l’isolement ou les difficultés liées à l’âge. Cerise sur le gâteau : le mouvement favorise le développement durable en optimisant l’usage d’appartements parfois trop grands pour une seule personne.


Article initialement publié dans la rubrique Social&Co , en partenariat avec la MAIF, à retrouver dans le N°23 de Socialter  >> Retrouvez l'intégralité du numéro



Images : Les Talents d'Alphonse

 

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