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Pollution plastique : l'Europe interdit huit produits à usage unique

© Donald Boyle

La Commission européenne, le Parlement et les représentants des États membres sont arrivés dans la nuit du 18 décembre à un accord sur le contenu de la Directive européenne relative au plastique à usage unique. Si ce texte représente une avancée majeure dans la lutte contre la culture du 'tout jetable', de nombreuses mesures restent à prendre pour faire face à la crise des déchets plastiques.

Huit mois de négociations auront été nécessaires. Après avoir reçu les propositions de la Commission européenne en mai dernier, l’Union Européenne est finalement parvenue à un accord sur la réduction des déchets plastiques. “Le problème n’est pas réglé, mais c’est assez inédit d’avoir une réglementation qui vise à réduire le plastique, surtout à l’échelle d’un continent”, analyse Laura Chatel, responsable du plaidoyer pour Zero Waste France. “C’est la première fois qu’une institution politique dit que la crise est telle que nous devons fermer le robinet. Symboliquement et philosophiquement, c’est une sérieuse avancée.”

 

Les mesures de réduction contenues dans le texte sont en effet sans précédent. Les couverts à usage unique, pailles, touillettes et assiettes en plastique, encore très utilisés par les particuliers et dans la restauration, seront interdits à la vente d’ici 2021. Les coton-tiges et tiges pour ballons seront également prohibés, tout comme les gobelets et contenants alimentaires en polystyrène expansé, matériau dont la durée de vie dans la nature s’élève à plus d’un millénaire. La mesure s’appliquera également au plastique oxo-fragmentable, qui se décompose en micro-particules mais ne se biodégrade pas.


Autre mesure phare de l’accord: l’application du principe de responsabilité élargie du producteur. Concrètement, les entreprises productrices d’emballage, de mégots et de filets de pêche seront sommées de contribuer financièrement aux coûts de gestion et de nettoyage de leurs déchets, ainsi qu’aux efforts de sensibilisation du public à ces problématiques. Devront également être mentionnées sur les emballages des protections hygiéniques, des lingettes et des ballons les consignes de tri à suivre et la nocivité de ces produits en cas d’abandon dans la nature.   




 

Des mesures nécessaires face à la crise du plastique

 

Selon Delphine Lévi Alvarès, coordinatrice européenne du mouvement Break Free From Plastic, l’adoption de cette directive marque donc “un premier pas important” dans la lutte contre la pollution plastique. Et pour cause. Selon la fondation Surf Rider, 206 kilos de plastique sont déversés chaque seconde dans les océans. Une tendance à la hausse, puisque la production mondiale de plastique devrait tripler d’ici 2050.

 

Les efforts de réduction des déchets plastiques de l’Union européenne sont donc bienvenus, d’autant plus que l’Europe est le deuxième producteur de plastique au monde après la Chine. L’accord devrait donc avoir un impact significatif sur la quantité de déchets déversée dans la nature chaque année. Selon les évaluations de Surf Rider, certains des produits visés par l’accord, comme les mégots et les cotons-tiges, sont en effet parmi les plus ramassés en milieu marin dans le monde.



 

Un accord moins ambitieux que prévu

 

De nombreuses associations de défense de l’environnement, dont la coalition européenne “Rethink Plastic”, regrettent cependant le recul de l’Union sur certaines mesures, dû selon cette dernière à l’influence du lobby du plastique. Ainsi, alors qu’une première version du texte prévoyait d’imposer aux États européens un objectif de baisse de 25% des bouteilles et emballages plastiques d’ici 2025, cette disposition a finalement été retirée de l’accord final.

 

Autre reculade: l’objectif de tri de 90% des bouteilles en plastique. Initialement prévu pour 2025, il a finalement été fixé pour 2029. L’obligation d’attacher les bouchons aux bouteilles, envisagée dans un premier temps pour 2021, a également été retardée de trois ans. Dernier regret pour Rethink Plastic, et de taille: les États européens ne sont pas légalement tenus de réduire leur production de contenants alimentaires, mais simplement appelés à les réduire de manière “significative”. Une formulation beaucoup plus vague, et donc potentiellement moins efficace.

 

Quoique encourageant, cet accord ne signe donc pas la fin de la lutte contre la pollution plastique. “Le gros chantier sur lequel on devrait s’attaquer ensuite est celui des emballages plastiques agro-alimentaires”, poursuit Laura Chatel. “La directive s’attaque surtout à la consommation nomade, mais il y a aussi tout ce qui est vendu en supermarché, qui est aussi beaucoup emballé dans du plastique qui se retrouve parfois dans la nature. Il faudrait également interdire un certain nombre de suremballages et se fixer des objectifs de baisse de la consommation de plastique de manière générale.” L’entrée en vigueur de la directive est attendue pour 2021. D’ici-là, de nombreuses batailles restent donc à mener avant la fin de l’ère du plastique.


 

 

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