A compléter

#NuitDebout : l'autre manière de désobéir

Après cinq soirs de mobilisation, le mouvement citoyen Nuit Debout ne s'endort pas. Alors que la loi El Khomri s'apprête à être examinée aujourd'hui à la commission des Affaires sociales de l'Assemblée, une nouvelle manière de se mobiliser a vu le jour, faisant la part belle aux outils numériques.

On les compare au mouvement Occupy Wall Street ou aux Indignados espagnols. Sur la place de la République à Paris, ils étaient près de 4000 à se réunir jeudi 31 mars au soir, à la suite de la grande manifestation organisée contre la loi Travail. Un appel lancé sur les réseaux sociaux avec un slogan dont le ton rebelle a su titiller la fibre insoumise des Français : “On ne rentre pas chez nous.”

Évidemment, ils ne se sont pas fait prier. Étudiants, chômeurs, artisans, syndicalistes, ont pacifiquement pris leurs marques sur cette place emblématique. La foule hétéroclite a trouvé sa figure intellectuelle en l’économiste Frédéric Lordon, dont la verve aiguisée sait faire vibrer les masses.

Bien que rassemblés autour du rejet du projet de loi El Khomri, les indignés de la République délaissent parfois les coups de gueule politiques au profit d’instants plus festifs : des guinguettes s’organisent, on improvise un stand de merguez pour les affamés, on danse. Assis par terre, on se cultive aussi : le documentaire de François Ruffin Merci Patron! est diffusé sur un écran géant tard dans la nuit.

Il est loin le temps des processions militantes, des haut-parleurs et des bannières criardes. La manière de se mobiliser se réinvente : plutôt que d’étouffer au milieu de cortèges colossaux, les éveillés de la Nuit Debout se relaient pour assurer une présence physique continue, un village se crée – mais c’est sur la toile que le combat se poursuit.


 

Il semble que naît une complémentarité entre un schéma traditionnel de désobéissance civile et une révolution numérique façon printemps arabe. Ainsi, ils se sont levés au hashtag #NuitDebout, ils étaient près de 10 000 à rejoindre l’événement Facebook pour la ville de Paris – premier d’une longue série. Les autres ont trouvé leurs lieux de rassemblement en région sur cette carte et compté les troupes sur On est combien?. Derrière les profils “Nuit Debout” sur les réseaux sociaux, une équipe de “citoyens volontaires et compétents” qui s’autogère.

Le 3 avril, ils n’étaient plus qu’un millier de personnes sur la place, mais près de 80 000 connectés simultanément sur Periscope, l’application qui permet de diffuser des vidéos en live streaming. En un soir, Rémy Buisine, 25 ans, est devenu le reporter star des indignés : “Je ne suis pas dans un acte de militantisme, je veux juste rendre compte de ce qui se passe en ce moment”. Séduits par un relais d’information “authentique”, les internautes commentent en direct, et le jeune community manager adapte ses prises de vue et ses interviews selon les demandes. Lorsque son téléphone tombe en rade, on lui amène des batteries rechargeables pour qu’il continue.

Et même si les installations ont été délogées à la pelleteuse municipale ce matin, la détermination du mouvement citoyen ne tarit pas. Une sixième nuit blanche se prépare ce soir dans des dizaines de villes en France : Lille, Rennes, Nantes, Lyon, Bordeaux, Marseille…


[Crédit photo: Ricardo Abdahllah

Soutenez Socialter

Socialter est un média indépendant et engagé qui dépend de ses lecteurs pour continuer à informer, analyser, interroger et à se pencher sur les idées nouvelles qui peinent à émerger dans le débat public. Pour nous soutenir et découvrir nos prochaines publications, n'hésitez pas à vous abonner !

S'abonnerFaire un don