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Les solutions locales qui changent les campagnes kenyanes

Après la visite de nombreux entrepreneurs kenyans, nous comprenons mieux les enjeux à laquelle sont soumis les agriculteurs dans les pays émergents a avancé d'un grand pas. Quel meilleur moyen de se rendre compte des enjeux globaux des agriculteurs les plus reculés que de s'adresser à ceux qui, issus de ces communautés, doivent résoudre leurs problèmes en inventant des solutions plus ingénieuses les unes que les autres?

Bien que le Kenya fasse figure d’exception dans le paysage économique d’Afrique de l’Est, il est soumis comme ses voisins à des enjeux de taille pour développer son économie agricole. Près de deux tiers des habitants vivent aujourd’hui d’une agriculture de subsistance et possèdent moins d’un acre (soit moins d’une moitié d’hectares) par famille. Dans ces conditions, comment faire pour enrichir ces campagnes tout en maintenant leur souveraineté alimentaire ?

A l'issue de nos rencontres terrains, nous avons identifié trois grands enjeux qui sont aujourd’hui les principaux freins à leur développement. 

L’accès à un conseil agricole de qualité

La grande majorité des petits exploitants agricoles au Kenya n’ont pas eu la possibilité de recevoir  un enseignement adapté à leur activité ni d’aller à l’université étudier de nouvelles pratiques agricoles. Leurs possibilités d’accès à l’information (bibliothèques, journaux spécialisés, internet…) ou à la formation (aide gouvernementale, ONG, société privée) sont limitées. Ils sont la cible d’ "experts agricoles" peu scrupuleux qui privilégient leur marge plutôt que le réel gain de production escompté...

Mais, depuis quelques années, l’essor de la technologie mobile et notamment l’arrivée du paiement par mobile (M-Pesa est présent depuis 2008 au Kenya), a permis l’arrivée d’une myriade d’entreprises volant à leur rescousse. Just Farm It, par exemple, est une application mobile qui proposent de répondre pour moins d’un euro à des questions posés par les agriculteurs. Dans un pays où les infrastructures routières sont en mauvais état et les déplacements coûteux, cette entreprise a un impact social conséquent pour ces laissés pour compte. 


L’accès à des intrants abordables et à un financement

L’accès à une information de qualité n’est pas suffisante. Il faut donner aux exploitations agricoles la possibilité financière, technologique et logistique de changer de pratique. Prenons le cas de l’aide au financement : les banques conventionnelles et les micro-crédits ont des taux d’intérêts dans ces régions souvent supérieurs à 15%...  Mais les campagnes sont fortement démonétisées : peu de petits exploitants ont un compte en banque. Ils n’ont reçu une culture de l’épargne et n’ont ainsi aucune possibilité d’investissement. Sans conseil ou suivi, le risque de non-remboursement est extrêmement élevé. Et donc, les taux d'intérêt de certains établissements banquiers dans les pays émergents sont quasiment usuriers.

Mais des jeunes entreprises comme Umati Capital cherchent à contourner ce problème en offrant une aide financière et technologique ainsi qu’un suivi des activités des fermes. D’autres entreprises comme Farm Star et Takataka Solution revalorisent des déchets pour mettre à disposition des intrants plus abordables pour les petites bourses.

L’accès au marché et à la transparence des prix (transparence de la chaîne de valeur alimentaire, optimisation de la chaîne logistique, aide au développement de filière, accès à des marchés de niche non corrompus)

Une fois que les petits exploitants savent comment faire pour développer durablement leur activité et ont les moyens pour le faire, que reste-il ? L’accès au marché. Et c’est souvent là où le bât blesse !  Faute d’infrastructure réelle pour répondre aux problèmes d’acheminement des produits agricoles, ces fonctions sont souvent traitées par une dizaine d’intermédiaires entre le producteur et le dernier maillon de la distribution. Ce sont ces échanges successifs qui captent une grande partie de la marge de la production agricole. Ce manque d’efficience est le principal facteur de gaspillage alimentaire. Au Kenya, on chiffre à 30% la quantité de produits alimentaires frais (fruits et légumes) perdue sur l’ensemble de la chaîne logistique. Ce manque d’organisation empêche la transparence sur la chaîne de valeur alimentaire, les contrôles sanitaires et ralentit le développement de nouvelles filières plus porteuses pour ces petits exploitants.

Face à cela, M-Farm et Milk Atm offrent aux agriculteurs de nouvelles possibilités de marché en les mettant en contact avec les derniers maillons de la chaîne logistique. En diminuant le coût des intermédiaires, ils permettent aux agriculteurs de vendre leur produit à un meilleur prix.

Même si tous ces problèmes sont connectés, aucun organisme n’est aujourd’hui en mesure de résoudre efficacement les trois en même temps. Mais il existe aujourd’hui au Kenya une incroyable diversité de solutions et chaque entrepreneur croisé regorge d’idées pour répondre en partie à ces enjeux. Serait-il possible que toutes ces entreprises naissantes accordent leurs violons et créent un tissu de PME aujourd’hui inexistant ? La question reste entière…

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