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Le bio en Hongrie, "5% de la population s'y intéresse"

Gábor Bertényi a beaucoup à raconter sur son histoire entrepreneuriale : sur Házikó, son service de traiteur qui propose des produits bios cultivés localement, mais également sur le Szimpla, un des bars les plus connus de Budapest, qui abrite un centre culturel et soutient des initiatives durables. Pour parler des défis qui attendent les entrepreneurs sociaux en Hongrie, un verre avec lui s'imposait.

Qu’est-ce que Házikó et comment ça marche?

Házikó est un service de traiteur qui a commencé il y a un an et demi. Nous produisons de la nourriture exclusivement à partir des produits de la ferme. Nous sommes en lien avec une trentaine de fermiers et nous avons mis en place une procédure de contrôle de qualité. C’est facile d’être une structure transparente lorsqu’on a cette taille. Nous avons organisé trois marchés de produits locaux où nous avons sélectionné nos fournisseurs, et maintenant les fermiers de la région font appel à nous. Nous avons un contrat fixe avec eux, et nous achetons leur produit à un bien meilleur prix que le marché moyen. Nous leur offrons un revenu prédictible pour eux, et leur garantissons un certain volume commandé. Nous sommes fiers de faire du profit dans une structure si durable.

 

Qu’est ce qui vous a poussé à lancer ce projet?

L’idée de départ est de connecter l’offre, venant de la campagne, avec la demande émanant de la ville. J’ai déménagé à la campagne, à Nagymaros, et je me suis rendu compte de l’ampleur des problèmes en milieu rural : le chômage, la migration… tout ce que l’on peut voir dans les campagnes de l’est de l’Europe. Nous avons donc décidé d’établir des marchés de producteurs locaux dans la ville où je vis. Ça a bien marché (un marché a toujours lieu chaque dimanche au Szimpla – ndlr) et on a compris que nous pouvions faire plus pour dynamiser la campagne de Budapest. En même temps, j’ai commencé à enseigner le développement durable à l’Université de Budapest, et avec mes étudiants nous avons commencé à faire des interventions dans les campagnes. J’ai ensuite compris que j’étais investi dans trop de projets et que je ne pouvais pas me concentrer du tout. C’est pourquoi j’ai décidé de me lancer dans Házikó, résultat de mes identités citadines et rurales.

 

Combien de salariés avez-vous maintenant ?

Nous avons 12 employés, les serveurs embauchés pour les évènements et 5-6 personnes en free-lance.

 

Avez-vous rencontré des difficultés au niveau du management ?

Je pense que la  difficulté majeure est que 500 000 Hongrois originaires de Budapest personnes travaillent à l’étranger (Londres, Berlin…) à cause de la situation économique. Il y a beaucoup de chômage ici, mais il est impossible de trouver quelqu’un lorsque l’on cherche des travailleurs qualifiés. Par exemple, nous avons cherché un cuisinier pendant un an et demi. Nous avons maintenant une super chef qui est revenue d’Espagne. Nous avons dû l’attirer ici ! Nous avons aussi un boulanger qui est rentré d’Irlande.

 

Est-ce que les Hongrois sont sensibles au bio ?

Non. 5% de la population s’y intéresse, et 80% d’entre eux sont de Budapest.

 

Est-ce que vous voulez livrer ailleurs qu’à Budapest ?

Non… Budapest est notre objectif. Environnementalement parlant, c’est stupide de faire 200 km pour livrer de la nourriture. Une option possible pourrait être d’ouvrir des franchises dans d’autres villes, mais je ne connais pas de villes où le pouvoir d’achat serait suffisant. C’est encore une question ouverte, mais notre commerce est auto-suffisant à Budapest.

 

Qu’avez-vous fait avant de créer Házikó ?

J’ai passé plus de 10 ans à développer le Szimpla en gérant le bar et les projets culturels. Ce fut ma première expérience entrepreneuriale, et le projet a grandi très vite. Ça a été satisfaisant un moment, mais après c’est devenu trop gros, trop institutionnalisé. C’est aujourd’hui un endroit emblématique de Budapest, et c’est plus un bar qu’un espace culturel. J’ai quitté le Szimpla il y a deux ans pour développer Házikó.

 

D’après vous, un business doit-il rester petit pour être social ?

Pas forcément, tant qu’il peut garder ses principes. Mais je pense que c’est dur de garder l’esprit initial de la structure si l’on est concentré sur les problèmes quotidiens, comme la logistique, le management… De ce point de vue là, la taille compte. Concernant le management, par exemple, nous avons déjà eu des problèmes de communication, de responsabilité, de confiance avec seulement 12 personnes chez Házikó. C’est une bonne question: comment garder un esprit familial avec un commerce à grande échelle?

 

Vos conseils pour les jeunes entrepreneurs?

Patience, patience, patience. Et flexibilité. Croire en ce qu’on fait aide beaucoup.

Être professionnel. Nous avons vu tellement de belles initiatives, civiles et responsables,  vouées à l’échec car pour réussir, il faut être professionnel pour atteindre le mainstream, et très enthousiaste.

 

Quelles sont vos clés pour être heureux ?

J’ai une approche plutôt minimaliste de la question. D’abord, je pense que c’est déjà plus que suffisant de parvenir à faire les choses tout en étant en accord avec ses capacités, ni plus ni moins. Et être satisfait de cela. Deuxième point: ne pas détruire la société ou la nature. En combinant ces deux objectifs, je peux être heureux, personnellement. Mais je n’ai pas beaucoup réfléchi à cette question, alors ce n’est peut être pas un conseil valable!

 

 En partenariat avec Socialter, Astrid, Margaux et Alexandre font un tour d'Europe de l'entrepreneuriat social.

En savoir plus : http://www.eurhopetour.com/fr/les-rencontres


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