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La technologie peut-elle répondre à nos grands enjeux ?

Tribune initialement publiée dans Socialter n°15 (février/mars 2016).

Aujourd’hui, 90% des brevets arrivent à expiration sans avoir apporté de valeur économique ou sociale. 62% des Européens pensent que la science et la technologie progressent trop vite et ne répondent pas à leurs vrais besoins. Pourtant, plus de 70% des impacts sociaux et environnementaux d’un produit sont directement liés à la phase de conception, c’est-à-dire à la R&D qui a précédé. N’y-a-t-il pas une urgence à reconnecter science et enjeux sociaux ?

Des acteurs majeurs se mobilisent sur le sujet

Depuis 2011, la Commission européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) mettent l’accent sur l’importance de rapprocher recherche et innovation des besoins de la société, et de développer en Europe la «recherche et innovation responsable». Le sujet, d’actualité aux États-Unis comme ici, n’a bien sûr pas échappé au Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui a lancé cette année un programme dédié à cette problématique : Solve. Lors de la session d’ouverture organisée début octobre 2015, le MIT a réuni scientifiques, politiques, entrepreneurs, investisseurs et changemakers. Leur mission : collaborer afin de «répondre aux grands enjeux de notre temps» – rendre la santé accessible, doubler la production d’énergie et de nourriture tout en visant le zéro émission de carbone en 2100, assurer des infrastructures à 10 milliards d’habitants en 2050. Autant de questions essentielles traitées pendant quatre journées intenses. Fini le temps où l’on travaillait chacun de son côté. Sur scène, un scientifique récipiendaire du prix Nobel affirme : «Si nous voulons que nos ambitions se transforment en réalité, nous devons collaborer avec le secteur privé.» C’est ainsi que s’ouvrent partout dans le monde des «chapitres», communautés locales engagées qui souhaitent remettre la science, la recherche et l’innovation au service de la société. En France, l’action est portée par SoScience, entreprise spécialisée dans l’innovation responsable.

La culture de la collaboration ne suffira pas

Le constat est frappant dans l’industrie. Alors qu’il faudrait prendre ces sujets à bras le corps, on a encore un train de retard. On ne parle que d’éco-conception : réduire sa consommation d’eau, d’électricité, de carburant, penser recyclage… Selon un sondage réalisé en septembre 2015 par e-RSE.net et SoScience, 90% des personnes interrogées disent connaître l’innovation responsable... mais, pour plus de 50%, elle vise à traiter des enjeux d’éco-conception et de gestion interne (comme le bien-être au travail). Moins d’un quart des sondés considèrent que l’innovation responsable s’attaque à des grands enjeux sociaux ou environnementaux. Pour le secteur privé, lorsque l’on aborde les questions de responsabilité, d’économie positive ou encore les enjeux de notre siècle, innovation responsable rime avec réduction des impacts négatifs. Pourtant, l’entreprise sait qu’elle doit «se repenser» de façon audacieuse et non pas à la marge. Les bonnes questions à se poser désormais sont loin de la réduction des impacts négatifs : quel est l’impact réel des produits vendus et de l’innovation développée ? Quels pourraient être les impacts positifs de nos produits ? À quel enjeu majeur notre cœur de métier peut-il répondre ? Les entreprises, fortes de leurs départements de recherche peuvent et doivent se poser ces questions. Certaines pionnières ne s’en sont pas privées : c’est le cas de Tarkett, entreprise de revêtements de sol, qui, en s’attaquant à la problématique des chutes chez les plus de 65 ans, a développé son premier revêtement intelligent. Ce revêtement repère les chutes et peut prévenir en temps réel les secours. Ce programme du département Recherche & Innovation répond donc à un enjeu social, mais aussi à un besoin d’innover. L’entreprise a su utiliser son produit historique pour répondre à une problématique sociale : voilà l’avenir de l’innovation responsable. Ce changement de mentalité est à la portée de toutes les entreprises, quel que soit leur secteur : il faut simplement remettre l’impact social et environnemental au cœur même du produit et de son objectif. C’est par cette envie-là seulement que l’entreprise innovera et s’ouvrira à de nouvelles opportunités. Agir sans réserve, afin de mêler réalité scientifique et innovation au service des générations futures : c’est cette promesse que fait la communauté de Solve et c’est pour répondre à ces enjeux que la plateforme existe et ouvre son «chapitre» en Europe à toutes les organisations et individus qui souhaitent rejoindre le mouvement.

Mélanie Marcel
SoScience

Ingénieure spécialisée en physique des ondes et neurosciences, Mélanie Marcel est fondatrice de SoScience, organisation promouvant l’innovation responsable.

 

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