A compléter

La France s'engage : "Nous sommes ceux que nous attendions"

Tribune initialement publiée sur Medium.

"La France s'engage".

Le bien nommé label, initié en 2014 par François Hollande et porté par le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, faisait l'objet d'un forum le 30 et 31 janvier au Carreau du Temple à Paris. Une première édition qui réunissait donc les lauréats (des associations, fondations et entrepreneurs sociaux) de cette initiative qui vise à mettre en avant la France qui fait, qui innove, qui s'attaque aux enjeux les plus essentiels de ce siècle qui démarre, avec la solidarité au coeur de leur action. Les thématiques étaient nombreuses et essentielles : éducation avec Zup de Co, qui veut lutter contre l’échec scolaire et accompagner les élèves les plus en difficulté, égalité des chances avec Passeport Avenir, accès aux formations de la nouvelle économie pour "les damnés du numérique" comme le disait Erwan Kezzar, co-fondateur du projet Simplon.co, qui forme en six mois des jeunes issus en priorité de quartiers sous-représentés dans l’économie innovante, lors d’une table ronde.

Plus passionnantes les unes que les autres, avec des intervenants et modérateurs engagés, elles se sont succédées pendant 48 heures, alternant avec les interventions de porteurs de projets tels que Matthieu Dardillon de Ticket for Change, pionnier sur le développement d’entrepreneurs et intrapreneurs sociaux ou de Caroline Ramade, directrice adjointe de Paris Pionnières, qui accompagne des femmes créatrices de start-up (elles ne représentent aujourd’hui que 8% des startuppeurs fondateurs).

J’aurais envie de vous raconter tous les échanges, les discussions avec les personnes rencontrées, les initiatrices et initiateurs de plateformes telles que HelloAsso, première du genre dédiée au financement participatif pour les associations, ou Singa qui favorise l’accueil des réfugiés, ou Wi-Filles, qui forme des jeunes femmes aux métiers techniques de l’informatique, sans oublier Trust & Try Job qui veut faire de votre passion et votre motivation votre meilleur diplôme. Mais le forum "La France s’engage" est par définition le genre d’événements qu’il est difficile de résumer en quelques lignes. Derrière ces projets et bien d’autres présents, il y a des êtres humains qui incarnent cette France qui bouge. Albert Camus disait que "la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent". C’est exactement ce qu’ils font.

Il se dégage cette impression étrange. Cette sensation, que les "faiseurs" sont en marche, qu’une fracture numérique n’est pas une fatalité et que la société civile se saisit des problèmes, contre les forces d’inertie, sans se laisser bercer par ce refrain entêtant, celui d’une ambiance qu’on nous dit plombée et d’un réel sur lequel nous n’aurions pas d’emprise, comme si le futur ne s’inventait pas chaque jour. Comme si nous n’étions plus maîtres de nos vies et de la société solidaire à laquelle nous croyons.

Loin d’être un épiphénomène, plus de 800 projets se sont présentés sur la dernière promotion de "La France s’engage" pour 30 sélectionnés cette année, cette envie d’agir, de s’atteler à des défis colossaux, est un mouvement qui ne fait que commencer. Ce qui impressionne, ce sont d’ailleurs ces équipes restreintes, soudées, qui déplacent des montagnes. Ces associations et entrepreneurs sociaux se mettent en première ligne, en s’attaquant à des sujets dont la résolution définira notre avenir, notre capacité à innover, et notre savoir vivre ensemble.

Le forum révèle ce qui est aussi une part importante de notre ADN national : notre capacité à penser l’Autre, à innover sans se déshumaniser. Olivier Cohen de Timary, rédacteur en chef du magazine Socialter déclarait sur LCI dans l’émission "Tous acteurs du changement" : "La France est une social valley, très dynamique". Je crois que c’est vrai. Le mot "social" n’a pas la même signification ici qu’aux Etats-Unis et dans la Silicon Valley. L’utilité pour le collectif ne pourra pas se noyer dans un philantrocapitalisme et les grandes entreprises ne pourront pas se contenter de saupoudrage pour alléger leur bonne conscience. Notre esprit critique qui nous paralyse parfois nous permet aussi, quand mis à profit, cette exigence, cette cohérence, cette envie d’absolu.

Alors, certes, les perspectives d’évaluation ne sont pas les mêmes dans une économie sociale et solidaire, mais comme le dit Paul Duan, présent aussi sur le forum, fondateur du fameux Bayes Impact qui vient de signer un contrat avec Pôle Emploi pour permettre aux algorithmes d’aider à inverser notre courbe du chômage : "J’entends souvent des entreprises dire qu’elles ont des valeurs sociales fortes ; je préfèrerais voir plus d’associations, de fondations et d’entrepreneurs sociaux avoir des business models solides".

Le monde est devenu trop complexe pour le penser de façon binaire. Et les changements de la révolution numérique annoncent des défis inédits que chaque personne croisée lors de "La France s’engage" était prête à relever.

Le pouvoir de l’individu pour tout réinventer est immense. Chacun d’entre nous porte cette révolution bienveillante en soi. La société civile avance si vite, et la communauté que forme cette France qui s’engage est une force qui emporte toutes les peurs et crispations sur son passage.

Nous sommes ceux que nous attendions disaient dans une interview les réalisateurs du documentaire "En Quête de Sens".

J’ai eu cette impression constamment ce week-end.

Nous sommes ceux que nous attendions.

Dont Acte.


Axelle Tessandier
@axelletess

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