L'entretien fleuve

Joelle Zask - Penser la ville comme un écosystème

Alors qu’elles symbolisaient l’antinature par excellence, les grandes métropoles ont paru, lors du premier confinement, se repeupler d’animaux sauvages profitant du vide que nous leur avions laissé. Une vision enchanteresse qui flirte avec l’illusion : nombre d’espèces n’ont jamais quitté les villes et continuent d’y vivre, de s’y adapter, voire de prospérer dans ses interstices et l’angle mort de nos perceptions. Dans Zoocities (Premier Parallèle, 2020), la philosophe Joëlle Zask revient sur ce surgissement inattendu et ses conséquences, tout en méditant sur le rôle que pourrait jouer l’espace urbain dans le renouement avec le vivant, loin des fantasmes de la wilderness ou des excès de l’animalisme.

Le point de départ de votre livre, c’est ­l’émerveillement qu’ont ressenti les gens en voyant réapparaître des animaux en ville lors du premier confinement. Cela a-t-il changé nos perceptions de la ville, du sauvage et des animaux ?

Oui, il y a eu subitement un mélange de sentiments de liberté, d’imprévisibilité, d’étrangeté et d’altérité. La ville s’était vêtue d’autres couleurs que celles qu’on lui connaissait habituellement. La présence de ces animaux sauvages s’apparentait un peu à la présence d’un animal domestique : ça a redistribué les rôles et fait réémerger des sources d’expérience autour de soi. Je ne pense pas en revanche que les expressions comme « la nature reprend ses droits » ou « les animaux ont réapparu » soient correctes : ces animaux étaient déjà là, tout proches. On les a simplement vus de nouveau. 

Les oiseaux sont un bon exemple : ils étaient là, mais on ne percevait plus leur existence. Beaucoup de gens se sont mis à télécharger des applications pour les photographier et les identifier.

Je crois qu’il s’agit là d’un problème de considération. Nos perceptions se sont amenuisées du fait de l’enfermement, et la pluralité du monde a été étouffée. La vision de ces animaux a joué un rôle pour rendre ce premier confinement plus supportable. Mais parallèlement, les gens ont progres­sivement réalisé que la présence ­d’animaux, ou plus exactement la promiscuité trop grande avec des animaux sauvages,...

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NUMÉRO 62 : FÉVRIER -MARS 2024:
L'écologie, un truc de bourgeois ?
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