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Impact Journalism Day : une journée pour voir le monde sous l'angle des solutions

Parce que l'actualité est trop souvent déprimante, l'Impact Journalism Day (IJD) veut remettre un peu d'optimisme dans nos news. Ce samedi 25 juin, 55 des plus grands journaux du globe publieront simultanément un supplément composé de 100 reportages qui mettent en avant des initiatives positives. Une opération de collaboration éditoriale inédite menée par Sparknews pour la 4ème année consécutive et qui témoigne d'un intérêt grandissant pour le "journalisme de solutions". Directrice générale de Sparknews, Sandra de Bailliencourt nous invite à passer à l'action.


Quel a été l’impact des précédentes éditions de l’Impact Journalism Day (IJD) ?

Sandra de Bailliencourt : On touche en moyenne 120 millions de lecteurs. L’année dernière, il s’agissait essentiellement d’une audience de médias papiers. Cette année, on a développé un dispositif digital spécifique, parce que les médias s’orientent de plus en plus vers le numérique. Ils tirent différents bénéfices d’une telle opération : certains remarquent que les articles de l’IJD sont davantage partagés et commentés sur les réseaux sociaux que les articles traditionnels. D’autres, comme Asahi Shimbun au Japon (l’un des premiers quotidiens au monde avec près de 8 millions d’exemplaires tirés par jour), constatent que ça génère une audience beaucoup plus jeune. L’impact se mesure aussi sur un plan plus financier : publier ce type de contenu attire plus d’annonceurs publicitaires. Au Honduras, El Heraldo nous a confié qu’ils vendent leurs espaces publicitaires trois fois plus cher dans le supplément IJD que dans une édition normale. Bref, c’est une audience plus jeune, plus réactive, plus engagée, et un meilleur attrait financier.

 

Pourquoi est-ce si difficile ou inhabituel d’être positif quand on est un média traditionnel ?

C’est difficile d’abord parce qu’ils n’ont pas forcément accès à ces contenus positifs. Les médias reprennent beaucoup de fils d’actualité, type AFP ou Reuters, qui ne mettent pas en avant ce genre d’information. Et puis ils sont évidemment vite happés par l’actualité chaude.

Le deuxième frein, c’est la fibre du journaliste “traditionnel” qui a envie de porter la plume dans la plaie plutôt que de parler de choses positives. Nous sommes passés par une phase de pédagogie auprès des médias pour leur montrer que le journalisme de solutions, ce n’est pas de la simple “good news”, ce n’est pas dire qu’il fait beau aujourd’hui : parler de la solution, c’est aussi parler du problème qui a été résolu, donc c’est un vrai ancrage dans la société. C’est bien du journalisme, il y a du fact-checking, de l’investigation et de la donnée contextualisée.

 

Quels types de médias sont sélectionnés pour l’IJD ? Et comment réussissez-vous à convaincre autant de rédactions de se mobiliser ?

C’est un gros boulot parce qu’il faut aller titiller la fibre militante des rédacteurs : ils ont un rôle à jouer dans leur pays, celui de délivrer une information plus optimiste, de donner envie de passer à l’action. Le pouvoir des médias est évident. Alors il faut leur dire : vous vous rendez compte qu’il n’y a que du contenu déprimant ? À un moment, ça anesthésie l’envie des gens de participer au développement économique et social de leur pays. C’est l’argument de fond.

On sélectionne des journaux qui ont une indépendance éditoriale et politique, dont les articles sont de qualité et qui vont avoir un impact dans leur pays. Cette année, Die Welt et El Pais sont entrés dans la boucle. L’Australie aussi était absente, désormais on a le Sydney Morning Herald. Il nous manque toujours les Anglais, décidément ! Parmi les nouveaux médias, on a AJ+. Par la suite, on envisage d’inclure des médias déjà sensibles aux contenus positifs, mais on reste encore concentrés sur la PQN (presse quotidienne nationale) justement parce qu’on veut atteindre des lecteurs qui ne sont pas habitués à ce type d’information.

 

De plus en plus de médias se mettent au positif. Cette tendance va-t-elle s’ancrer durablement selon vous ?

L’opération IJD a amené plusieurs médias à continuer sur la lancée. Le journal suisse Tages-Anzeiger publie maintenant chaque semaine un article de solution. Le Figaro a désormais une rubrique “Figaro Demain”, créée par Caroline de Malet. Beaucoup de journalistes au sein de la rédaction viennent la voir en souhaitant y contribuer. Ce sont les preuves concrètes d’une transformation. L’Asahi Shimbun a, lui, carrément contacté la Bill & Melinda Gates Foundation, avec qui il va penser des publications spécifiques autour des solutions. Chez Sparknews, on est ravis ! Notre objectif est que les médias intègrent cette pratique sans avoir besoin de nous.

 

Ce journalisme de solutions est-il en train de transformer le secteur ?

Transformer, le mot est peut-être un peu fort, parce que de toute façon l’actualité chaude prendra toujours le dessus sur ce type de contenu. Mais ça fait effectivement évoluer le métier de journaliste : traiter un sujet de façon optimiste, c’est l’avenir. Aujourd’hui beaucoup de nouveaux médias de ce genre voient le jour, tandis que les médias traditionnels sont critiqués sur les réseaux sociaux : ça les pousse à être plus engagés et plus optimistes. Chaque année, on arrive à inclure une dizaine de médias supplémentaires à l’IJD. Pour cette édition, on a mis en place des widgets sur les sites des médias, qui nous permettront d’avoir des données quantitatives sur l’impact de l’opération auprès du lectorat. Mais on note déjà un engouement grandissant des lecteurs pour ces sujets : l’année dernière, on a eu 22 millions de reach sur les réseaux sociaux et le hashtag #ImpactJournalism a été “trending topic” sur Twitter dans huit pays le jour J. Il y a un beau vivier de personnes actives sur ces sujets, qui ont envie d’agir et de réagir.


 

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