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Exploiter les vivants. Une écologie politique du travail

Découvrez notre recension de "Exploiter les vivants. Une écologie politique du travail" de Paul Guillibert aux Éditions Amsterdam.

L’essence du capitalisme est la recherche du profit, son moteur est la mise au travail des humains. À cette définition classique, on peut ajouter un élément trop souvent ignoré : ce système repose aussi sur l’exploitation de nombreux êtres vivants et de leur environnement. La vache inséminée à répétition afin qu’elle produise un maximum de lait, le cheval épuisé par la tâche ou les sols morts d’être labourés trop profondément ont un point commun : des humains les ont mis au travail, dans le sens où ils ont exploité leurs caractéristiques naturelles pour les rendre plus productifs et générer du profit.

Partant de ce postulat, le philosophe Paul Guillibert poursuit son travail sur les croisements entre la destruction de l’environnement et l’exploitation du travail. Son texte musclé et sa langue accessible mènent à ce constat : les solutions à la crise environnementale ne sont ni techniques ni seulement liées à un éventuel changement de mode de consommation, mais sont à chercher dans les luttes contre la « dépendance au salaire » et pour « l’abolition de toutes les formes d’exploitation et de mise au travail des natures humaines et autres qu’humaines ». Bourré de riches références aux sciences sociales de l’environnement (de Kohei Saito à Andreas Malm en passant par Jocelyne Porcher et Anna Tsing), aux pensées féministes (Silvia Federici, Ariel Salleh) ou à des textes reliant la question du racisme et de la crise écologique (Ghassan Hage), Exploiter les vivants pose avec talent ce qui pourrait devenir les grandes questions de l’époque dans le camp des luttes : qu’implique l’idée que des non-humains et même des « autres qu’animaux » intègrent la classe ouvrière ? Comment penser le désastre écologique depuis la raffinerie de Grandpuits, depuis la plantation coloniale, mais aussi depuis le foyer domestique ? « Où atterrir » quand on subit des discriminations ou quand on est descendant de peuples colonisés ? La réponse majeure de l’auteur, baptisée « communisme du vivant », semble balayer parfois un peu vite les potentiels et l’histoire de certains mouvements politiques – dont la décroissance –, mais mérite largement d’être explorée.

Exploiter les vivants. Une écologie politique du travailde Paul Guillibert Amsterdam → août 2023 – 208 pages – 13 €

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NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
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