A compléter

Et si comme la Pop culture, l'économie sociale et solidaire devenait mainstream?

Et si l'économie sociale et solidaire, encore minoritaire, infusait le reste de l'économie et devenait "mainstream" ? Claude Alphandéry, ancien résistant, président d'honneur de France Active et ancien président du Conseil National de l'insertion par l'activité économique, et François Dechy, président du groupe Baluchon, cosignent cette tribune pour exhorter l'économie sociale à sortir du bois.

Un peu de fraîcheur en guise de "starter" : qu'est-ce que la Pop culture ? "La culture d'une minorité qui devient consensuelle", "le produit de cultures protestataires qui, paradoxalement, forme la culture mainstream d’aujourd’hui", "une dynamique de la marge qui s’est imposée au centre", nous disent de concert le journaliste Hubert Artus, l’animateur Antoine de Caunes et le philosophe Richard Mèmeteau. N’en jetez plus !

Et si l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) était Pop ?

Pop, car, si c’est encore l'économie d'une minorité, l’ESS infuse dans toute la société : en mobilisant les énergies citoyennes, en inspirant une nouvelle génération d’entrepreneurs, en transformant petit à petit les acteurs de l’économie ordinaire.

Pop, parce qu’elle naît dans les territoires populaires, ruraux, désindustrialisés, périurbains… Dans ces territoires où se trouvent l’esprit pionnier, l’envie d’agir, l’ambition et la créativité. Dans ces quartiers, ces banlieues, ces campagnes où se tracent les nouvelles frontières de l'innovation sociale…

Pop, parce que ces territoires marginalisés sont des territoires d’avenir.

Le ton semble léger mais le sujet est grave : il s’agit bien de remettre la "France périphérique" au centre. L’enjeu est autant économique que démocratique et sociétal. Les solutions sont à portée de main. Les entrepreneurs sociaux défrichent, bâtissent des entreprises denses en emplois, créent de la valeur économique et sociale et prennent à bras-le-corps les défis auxquels est confrontée notre société : emploi, éducation, alimentation, environnement…

Et si cette économie de la marge devenait un levier ?


Fruit d’une résistance de longue date, d’un travail patient de nombreux acteurs et d’une nouvelle énergie entrepreneuriale, une dynamique de transformation sociale et solidaire sans précédent est à l’œuvre. Pour l'accélérer, Christophe Itier, le Haut-commissaire à l'ESS, propose un ambitieux programme d'innovation sociale et de changement d'échelle : le French Impact. Saisissons cette opportunité pour transformer la France en profondeur !

Nous identifions trois leviers pour réaliser la bascule. Tout d’abord, priorité absolue aux territoires d'avenir : les territoires marginalisés doivent être au centre des enjeux. La transition écologique et solidaire en sera le cheval de Troie. Partons des besoins, appuyons-nous sur les entrepreneurs de terrain, favorisons les dynamiques à l’échelle locale et les transferts de solutions entre territoires, accélérons les innovations et les coopérations.

Deuxième axe : multiplier les nouvelles façons d'entreprendre. Essaimage, incubation, coopératives d’activités, PTCE, entrepreneurs en résidence, co-entreprises… Les formes sont multiples. Valorisons les modèles hybrides, et traçons un sillon pour une nouvelle génération d'entrepreneurs sociaux, agile et conquérante. Les entreprises sociales territoriales améliorent leur efficacité, élargissent leurs impacts du fait de leur coopération ; elles montrent la souplesse de leurs réponses aux besoins mal satisfaits. Conjuguons puissance et agilité, en facilitant la mutualisation des fonctions support, en encourageant les prises de participation croisées et les investissements de long terme, en favorisant les joint-ventures entre entreprises sociales et entreprises classiques.

Investir dans la recherche et le développement


Enfin, investissons massivement dans la R&D. Pour l'innovation technologique et la French Tech, l'équation est limpide : les capital-risqueurs investissent en phase d’amorçage et couvrent les pertes des nombreux projets qui échouent en réalisant d’importantes plus-values lors de la revente d’une poignée de pépites. 

Pour l'innovation sociale et le French Impact, l’équation est différente : le taux de réussite est élevé, le modèle économique est solide, mais la "culbute" n’est pas au rendez-vous pour les investisseurs, précisément parce que les entreprises sociales mettent leur performance économique au service de l’impact social, et non des plus-values financières. Et surtout parce qu’elles ne sont pas à vendre. Pour résoudre cette équation complexe, il faut construire de nouvelles alliances entre financeurs publics, mécènes, banquiers, investisseurs à impact et épargnants pour financer l'émergence, la R&D et l'amorçage.

La période est enthousiasmante ! Nous avons collectivement inventé et éprouvé un modèle qui réconcilie les trois systèmes : performance économique de l’entrepreneuriat, impact social de la solidarité et vision de long terme de la puissance publique.

Le French Impact nous ouvre de nouveaux horizons. Il permet de briser le plafond de verre médiatique, de faire connaître nos solutions au plus grand nombre et de les partager sur la scène européenne et internationale. Donnons la priorité à l’action, soyons ambitieux, portons haut et fort notre modèle et l’ESS sera à l'économie ce que la Pop est à la culture : un puissant levier de transformation.

Un mot sur les auteurs

Claude Alphandéry est Président d’honneur de France Active.


 

François Dechy, entrepreneur social, est président du groupe Baluchon et lauréat Talents des Cités 2014.

 

Soutenez Socialter

Socialter est un média indépendant et engagé qui dépend de ses lecteurs pour continuer à informer, analyser, interroger et à se pencher sur les idées nouvelles qui peinent à émerger dans le débat public. Pour nous soutenir et découvrir nos prochaines publications, n'hésitez pas à vous abonner !

S'abonnerFaire un don