A compléter

Économie collaborative : taxe-moi si tu peux !

L'heure est au collaboratif et au partage. En partenariat avec la MAIF, Socialter décrypte les tendances de cette nouvelle économie qui renouvelle le vivre ensemble.

Comment adapter notre système fiscal et le droit du travail aux activités mouvantes de l'économie du partage ? Éléments de réponses en trois questions.


1. Faut-il imposer les revenus de l’économie collaborative ?

C’est une idée reçue : les revenus tirés de l’économie collaborative ne seraient pas assujettis à l’impôt. Mais la réalité est plus complexe. «En principe, les revenus générés par un particulier sont imposables à l’impôt sur le revenu [...] à partir du premier euro perçu à condition que les activités soient habituelles», précisent les avocats Loïc Jourdain, Michel Leclerc et Arthur Millerand dans leur ouvrage Économie collaborative & Droit. Les clés pour comprendre (FYP éditions, 2016). De même, «une activité régulière exercée par un particulier dans un but lucratif et avec l’intention qu’elle soit professionnelle pourrait justifier le paiement de charges sociales». La question est donc de tracer une ligne de démarcation entre activité occasionnelle ou habituelle, personnelle ou professionnelle. Mais ce seuil n’est pas encore clairement défini, il est pour l’heure laissé à l’appréciation des juges. Les revenus dégagés par les plateformes (le plus souvent des commissions sur les transactions) sont, eux aussi, imposables. Mais certaines ne sont pas domiciliées fiscalement en France et y échappent donc en grande partie.

 

2. Comment taxer ces revenus ?

À l’utilisateur, donc, de déclarer ses revenus dès qu’ils deviennent «réguliers». Pour cela, plusieurs options s’offrent à lui. Le statut de travailleur indépendant d’abord lui permet de déclarer jusqu’à 32 900 euros de chiffre d’affaires, sur lesquels il devra supporter toutefois lui-même les charges sociales. Pour encaisser plus, créer une société est possible mais s’avère plus complexe. Reste enfin le classique statut de salarié, néanmoins souvent inadapté aux activités de l’économie collaborative.

Face à ces solutions peu adéquates, la Commission des finances du Sénat a adopté un rapport sur la fiscalité du numérique, avec en ligne de mire l’économie collaborative. Il préconise un double dispositif. D’un côté, un système de franchise : en dessous de 5 000 euros par an, les revenus ne seraient pas imposables. Une manière de défiscaliser l’échange de biens ou services entre particuliers lorsqu’il est ponctuel. De l’autre, un système déclaratif de revenus qui irait chercher l’information directement à la source, c’est-à-dire via les plateformes. Celles-ci seraient obligées de transmettre chaque année à l’administration les revenus engrangés par leurs utilisateurs. Le 11 décembre, les députés ont voté pour la déclaration de revenus effectuée par les plateformes, mais contre la franchise. Motif : cela créerait une inégalité entre les contribuables face à l’impôt. Le politique semble donc privilégier une taxation intégrale des revenus. Même si, dans les faits, une certaine tolérance est prévue pour ceux qui utiliseraient Airbnb une fois l’an.

 

3. Quelle protection pour le travailleur «collaboratif» ?

La montée en puissance du statut de travailleur indépendant face aux contrats salariés (CDD, CDI) pose la question de savoir comment garantir une protection sociale pour tous. Le débat est toujours d’actualité mais plusieurs propositions émergent. D’une part, lutter contre le salariat déguisé en fournissant «des règles claires pour sanctionner les sociétés [...] profitant du flottement sur les critères de distinction entre travailleurs indépendants et salariés», ce que préconisent Loïc Jourdain, Michel Leclerc et Arthur Millerand. D’autre part, accepter la montée inexorable des actifs freelance et imaginer un nouveau régime de droit du travail qui leur soit adapté. De ce côté, les idées sont légion. Des intellectuels tels que Bernard Stiegler ou Nicolas Colin proposent de s’inspirer du statut des intermittents du spectacle. Aux États-Unis, où un actif sur trois est indépendant, Sara Horowitz a lancé Freelancer Union, le premier syndicat pour freelances. Enfin, les voies se font de plus en plus nombreuses en faveur d’un revenu universel. Une proposition sur laquelle «la réflexion est engagée au gouvernement», a assuré en janvier la secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire. Comme le rappellent nos trois avocats : «Le droit est structurellement en retard sur les phénomènes économiques et sociaux». Encore un peu de patience…



Pour rappel

17 septembre 2014. Emmanuel Macron valide le décret de loi sur le financement participatif initié par Fleur Pellerin, actant ainsi la fin du «monopole bancaire». Les particuliers peuvent désormais légalement prêter à d’autres particuliers ou à des entreprises.

1er janvier 2015. L’entrée en vigueur de la loi Thévenoud interdit Uberpop. Le Conseil Constitutionnel validera cette interdiction le 22 septembre 2015. Ce service, qui permettait à tout un chacun de s’improviser chauffeur pour gagner de l’argent, est assimilé par les sages à un exercice illégal de la profession de taxi.

Juin 2015. Publication du rapport Enjeux et perspectives de la consommation collaborative par la Direction Générale des Entreprises (DGE).

1er octobre 2015. La plateforme de location immobilière entre particuliers Airbnb collecte une taxe de séjour auprès des personnes mettant à disposition leur logement. Une façon de répondre aux accusations de «concurrence déloyale» envers les hôtels.

8 octobre 2015. Manuel Valls confie au député Pascal Terrasse une mission sur l’économie collaborative avec pour objectif «d’analyser les enjeux de ces transformations et de formuler des propositions [...]».

6 janvier 2016. Le Conseil national du numérique (CNNum) remet à Myriam El Khomry, ministre du Travail, un rapport sur les conséquences de la révolution numérique sur l’emploi. Parmi les propositions : bâtir des plateformes coopératives, détenues par les utilisateurs.

 


Aller plus loin 

Économie collaborative & Droit. Les clés pour comprendre, Loïc Jourdain, Michel Leclerc et Arthur Millerand, FYP éditions, 2016

www.droitdupartage.com (@droitdupartage). Pour tout comprendre aux enjeux juridiques de l’économie du partage.

www.sharelex.org (@Sharelex). Pour co-construire la législation de demain.

 


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