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Crok'Papilles : quel modèle pour relever le défi du circuit court en zone rurale ?

Christophe Mardi a quitté son travail pour lancer une plateforme de livraison à domicile de produits du terroir. Implantée à Albi dans le Tarn, son entreprise Crok'Papilles doit surmonter des enjeux propres aux territoires ruraux.

Christophe Mardi, un passionné de bonne bouffe vivant à Albi dans le Tarn, a décidé de prendre à bras le corps un fléau qui frappe trop souvent les cuisines françaises : la présence dans les recettes d'un ingrédient introuvable, ou que l'on finit toujours par oublier sur la liste de course. Agacé d'être toujours pris de court à chaque fois qu'il tente un nouveau plat, il décide d’imaginer un concept de panier recette.

Au delà de la simple anecdote qui fait sourire, l’idée est très sérieuse : ouvrir un site de livraison à domicile pour fournir des kits prêt à l’emploi, comprenant une recette et tous les ingrédients nécessaires à sa réalisation. “De façon plus générale, je voulais que les gens reprennent goût à la cuisine. Que l’on parte des produits, et que l’on conçoive des recettes avec”, détaille-t-il.
 

30.000 km de départementale


En 2010, alors que Christophe travaille dans l’animation auprès des jeunes dans une MJC, il sent qu’il a fait le tour de son métier et décide de quitter son activité pour créer “Crok’Papilles” avec sa femme. Pendant un an et demi, il avale 30.000 km de route à travers le département. Il se rend sur les marchés, va voir les réseaux de distributions alternatifs, ou bien les “drives fermiers”.

L’objectif est de partir à la chasse aux petits producteurs tarnais. “On voulait exclusivement proposer des ingrédients locaux et de saison, sans intermédiaire”.

Une démarche de bon sens, après “une prise de conscience écologique il y a quelques années”. Paire de bottes au pied, Christophe Mardi explore les terroirs et prend le temps de rencontrer les gens, d’écouter les producteurs, d’entendre les différentes visions de l’écologie. Il veut que l’aventure serve à quelque chose, à “faire sa part”, comme dit le slogan.
 

Autosuffisance alimentaire


Depuis, la camionnette de l’entreprise sillonne la campagne tarnaise pour aller collecter légumes, oeufs, fromages fermiers, bières locales, viandes… “C’est de l’extra-frais, les fruits sont quasiment cueillis à la demande. Il n’y a jamais de passage en frigo, ça arrive directement chez les clients”, se félicite-t-il.



Christophe Mardi à la ferme des Burgayrolles à Andouque (Tarn) /Photo DR

Une telle démarche en circuit court, dans un département aussi rural que le Tarn, est à la fois logique et surprenante. Ce genre de modèle s’adresse bien souvent à un public urbain. “C’est vrai que j’ai parfois l’impression d’être un chouilla en avance ici”, confesse le fondateur.

La ville d’Albi, dans laquelle l’entreprise est implantée, avait pourtant annoncé en 2014 un plan ambitieux : atteindre l’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2020. Et si la municipalité est parfois critiquée pour son manque de cohérence sur le sujet, Christophe Mardi assure que l’on “sent vraiment qu’une dynamique se met en place, que les institutions locales font avancer les choses dans le bon sens”.
 

Moins cher qu’au supermarché


Sur le site de Crok’Papilles, les écolos les plus avertis tiqueront sûrement sur l’absence de certification bio systématique. Une question pratique, concède le fondateur : “C’est impossible de tout faire en bio. Par exemple au mois d’avril, dans le département, il n’y a aucun produit disponible si l’on se restreint à l’agriculture biologique”.

La petite entreprise fait donc face à un principe de réalité. Ce qui n'entache pas l'enthousiasme de son fondateur : “Il faut d’abord amorcer une prise de conscience, que les gens se réapproprient ce qu’ils mettent dans leur assiette. Et le reste viendra naturellement”.

Qu’en est-il de la viabilité économique d’un tel projet ? Christophe Mardi regrette certaines difficultés en ce qui concerne la vente de panier-recette. Sur le papier, tout le monde est emballé par le projet, mais la demande réelle a parfois du mal à suivre. Pourtant, les produits proposés sont concurrentiels. Si on les compare au bio origine France vendus en grande surface, ils sont même généralement moins chers.
 

Réussir à diversifier les sources de revenu


Pour perdurer, l’entreprise a dû faire pivoter son modèle économique, se réinventer et diversifier les sources de revenus. Depuis trois mois, Christophe Mardi a ouvert une épicerie dans le centre-ville d’Albi en parallèle de ses livraisons à domicile. Crok’Papilles organise aussi des buffets pour les professionnels, un moyen d’obtenir une rentrée d’argent plus stable.


 
L'inauguration de la boutique dans le centre-ville d'Albi. /Photo DR


En été, lorsque les gens partent en vacances et que les commandes diminuent, Christophe Mardi embarque des clients dans sa camionnette et organise des “circuits du terroir”, les emmenant à la rencontre des producteurs. Un périple à travers champs “qui plaît beaucoup, et permet de créer du lien”, assure-t-il.

Une diversification des activités qui permet à Crok’Papilles de trouver un équilibre économique tout en forçant l’entreprise à se renouveler constamment. “Il y a encore énormément de choses à développer, assure-t-il. Du travail il y en a, j’en suis convaincu”.

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NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
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