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Crise agricole : et si les éleveurs avaient déjà la solution ?

Le salon de l'agriculture est lancé ce samedi 27 février, sur fond de contestation dans le secteur agricole. Alors que les groupes industriels et la puissance publique peinent à trouver une sortie de crise, un nouveau venu dans le réseau Ashoka est en train de changer la donne. Présentation de Fabrice Hégron, éleveur-entrepreneur, fondateur d'En Direct des Éleveurs.

Aujourd’hui, en France, les producteurs de lait ne peuvent plus vivre de leur métier. Les prix à la vente ne couvrent ni les coûts de production, ni la rémunération des éleveurs. Les problèmes économiques font que beaucoup abandonnent et passent la main aux grands groupes de l’industrie agro-alimentaire, souvent au détriment de la qualité des produits et de la transparence des chaînes de production.


« La contestation ne suffit pas : il faut inventer de nouveaux modèles »

Fabrice Hégron est fils et petit-fils d’éleveurs des Pays de Loire. Il a assisté aux premières loges au spectacle de la dégradation des conditions de vie des producteurs de lait, au découragement des exploitations familiales face aux groupes industriels. Face à cette situation, il a décidé de passer à l’action, refusant de subir et de céder au fatalisme. «J’ai compris dès 2009, à la naissance de la crise du lait, que la contestation ne suffisait pas», explique-t-il. «La solution ne peut pas seulement venir des aides de l’État ou des aides européennes. La filière doit opérer sa mue, revoir son modèle économique, mettre en place un modèle rentable, qui permette de corriger les inégalités sociales et économiques et réponde in fine aux besoins actuels du consommateur en matière de transparence commerciale.»



Alors ce nouveau modèle, c’est quoi ?

Entouré d’autres agriculteurs de Loire-Atlantique, Fabrice Hégron lance alors En Direct des Éleveurs. Le principe : créer un circuit court qui réintègre l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production à la vente. Regroupés au sein d’une société dont ils gèrent collectivement les finances et les développements stratégiques, les éleveurs ne sont plus seulement entrepreneurs agricoles, mais désormais entrepreneurs de l’agroalimentaire. Ensemble, ils produisent, transforment et vendent un lait sain et respectueux de l’environnement, dont la traçabilité est garantie et qui leur permet de vivre correctement de leur métier.

Dans les circuits industriels, 35% du prix d’une bouteille de lait revient au producteur, 42% au transformateur, le reste au distributeur. Le salaire moyen des producteurs de lait est d’environ 600 euros, et près d’un tiers touche le RSA. Le modèle d’En Direct des Éleveurs, en minimisant les intermédiaires, et en fixant un prix final juste, a le potentiel de faire tripler ce salaire en quelques années.



Quand les éleveurs deviennent entrepreneurs

Alors pour que ce modèle fonctionne, ces éleveurs se forment à l’entrepreneuriat, au marketing, à la communication et à la gestion d’une laiterie. «Ils passent du mode "je ne suis pas capable", au mode "je vais essayer de le faire" puis à "je vais le faire"», explique Fabrice Hégron. «Cette reprise en main de leur métier est une reprise en main de leur quotidien. Ils reprennent confiance, échangent et deviennent entrepreneurs de leur propre vie». La société-pilote regroupe 21 éleveurs qui produisent puis transforment leur lait dans une laiterie qui ouvrira cette année à Remouillé en Loire-Atlantique. Présenté dans un emballage éco-conçu au design attractif, le lait sera ensuite vendu dans plus de 250 supermarchés de la région, à un prix juste, pour le consommateur comme pour le producteur.
 

Saisir l’opportunité de produire et consommer autrement

L’objectif est de passer à 50 éleveurs d’ici la fin de l’année dans la région, de dupliquer le modèle sur le territoire et surtout de prouver que cette approche peut être appliquée à d’autres produits agricoles. «L’important dans ce projet, c’est l’idée que le producteur puisse gagner en autonomie financière et intellectuelle, tout en commercialisant de meilleurs produits», explique l’entrepreneur, qui précise que «nous devons nous adresser directement aux éleveurs et les convaincre qu’un autre mode de vie s’offre à eux. Que les producteurs puissent faire sans les grandes banques agricoles et les groupes industriels dérange. Mais malgré les blocages, la demande de renouveau est immense du côté des producteurs comme de celui des consommateurs. Je suis convaincu que l’on tient là une solution à la crise que connaît l’agriculture en France». Un modèle qui, en ces temps de contestation, pourrait révolutionner un système à bout de souffle.

 

Anaïs Petit
Ashoka

En 2015, Fabrice Hégron a été sélectionné parmi les entrepreneurs sociaux du réseau Ashoka, qui rassemble les pionniers de l’innovation sociale au sein d’un réseau mondial de plus de 3000 Fellows.

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NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
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