A compléter

[Coup de gueule] Pour une responsabilité sociale des consommateurs

Combien sommes-nous à trouver inadmissible que certaines multinationales, et notamment les GAFAs (Google, Amazon, Facebook, Apple), ne payent pas leurs impôts en France?

Combien sommes-nous à considérer que cette forme de concurrence déloyale finira immanquablement par provoquer la disparition d'enseignes, de médias, la destruction d'emplois? Par avoir des conséquences sur la diversité de l’offre et sur l'indépendance des marques?

Est-ce que pour autant nous modifions nos comportements de consommation? Vous connaissez bien entendu la réponse… C’est déroutant, j'en conviens, mais nous sommes ainsi faits. C’est notre droit au paradoxe. En réalité, le consommateur que nous sommes est tout simplement très égoïste et très opportuniste.

Le même phénomène s’applique au piéton: dès qu’il se retrouve derrière un volant, cet être à peu près civilisé ferait passer Attila pour un clone de Matthieu Ricard. Il suffit que nous nous retrouvions en situation de consommation pour oublier nos bonnes résolutions et ne plus être alignés avec nos valeurs:

  • Nous sommes tous contre le travail des enfants. Mais nous achetons certaines marques de baskets ou de tee-shirts qui n’ont pas les mêmes scrupules que nous!
  • Nous sommes à la fois tristes et scandalisés du drame social qui se joue chaque fois que des usines ferment. Mais nos écrans plats sont fabriqués en Chine et nos voitures en Corée.
  • Nous trouvons scandaleux qu'Amazon ne paye pas ses impôts en France. Pourtant, nous sommes 20 millions de Français chaque mois à fréquenter son site.

Et vous savez la meilleure? C’est que nous ne culpabilisons même pas... Avec Amazon, par exemple, je peux commander en un clic, choisir parmi 200 millions de références. Je serai livré gratuitement, en 24 heures si je suis membre Amazon Premium, gratuitement et en moins de 2 heures sur Amazon now (à Paris). Et si j’ai le moindre problème avec un produit je serai immédiatement remboursé, sans discussion, sans devoir me battre pendant des jours et des jours avec le SAV... Il faut vraiment être un super héros pour résister à Amazon !

Alors bien sûr, je suis tout à fait prêt à réfléchir, un instant, à l’impact social de ma consommation. Je veux bien être citoyen et responsable. Mais je ne suis pas un super héros, alors vous savez quoi? Et bien comme 7 acheteurs en ligne sur 10, j'achète chez Amazon. En un tout petit clic, je file une grande claque à mes valeurs et à mes bons sentiments. C'est comme ça: je suis un con mais un con-sommateur. Alors il me sera beaucoup pardonné.

De nombreuses études dans le domaine des neurosciences démontrent parfaitement que la plupart du temps, nos décisions ne visent qu’à satisfaire un bénéfice immédiat et sont généralement contraire à notre intérêt durable. Et si nous ne culpabilisons pas, c’est aussi parce que nous nous accrochons à tout un tas d’excellentes raisons très “rationnelles”, la principale étant de penser qu’il n’existe aucune alternative crédible face à Google, Apple ou Amazon pour ne citer qu’eux! Pourtant, dans de nombreux cas, ces alternatives existent mais elles demandent parfois un petit effort… Ne serait-ce que celui de les rechercher.

Il est désormais de bon ton de faire référence à la responsabilité sociale des entreprises (RSE).  Prise de conscience réelle ou levier marketing, peu importe. Les lignes ont commencé à frémir, alors pourquoi ne pas parler également de ce que j‘appellerais la “RSC”: la responsabilité Sociale des Consommateurs? Car consommer est loin d’être un geste anodin.

Et vous? Que vous soyez simple consommateur ou patron de marques : que faites-vous aujourd'hui, que ferez-vous demain, pour que d’ici quelques années l’essentiel du commerce en Europe ne se résume pas à Amazon, Alibaba ou Google Shopping?

     A propos de l'auteur : Après une carrière d’éditeur et dans le minitel, il crée en 1994 les magazines CD-Média et Internet-Reporter. La même année, il fonde imagiNet, un des premiers fournisseurs d’accès internet en France, Web agency et hébergeur, qu’il revend en 1998 à Colt Telecom. En 1995, il crée REGIE ON LINE, première régie publicitaire internet indépendante en Europe et, un an plus tard, Le Web-Marchand, premier annuaire de sites de e-commerce. En 2006, il fonde 24h00.fr, agence digitale dont il revend la plupart des activités en 2013 à Webedia. Vice-président de France Digitale et défenseur des entrepreneurs lors du mouvement des pigeons, il les aide, les accompagne, les finance, les conseille depuis 2013, notamment avec Avolta Partners, banque d’affaire qu’il a co-fondé.


 

 

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