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[Coup de gueule] Non, recycler n'est pas la solution idéale : ça pollue !

Il est beaucoup plus écologique de réutiliser un appareil électronique que de le recycler.

En début d’année, Apple dévoilait à grands renforts de publicité sa dernière prouesse technologique : Liam, un robot capable de démanteler un iPhone en 11 secondes seulement, et donc de recycler 1,2 million d’unités par an. Sacrée performance… à comparer avec les 231 millions de modèles neufs écoulés par la firme à la pomme en 2015 ! Fièrement présenté comme la marque d’un engagement responsable, Liam est en réalité le parfait symbole du recyclage dans le domaine de la high-tech : une goutte d’eau verte dans un océan de pollution, inévitable résultante du modèle productiviste en vigueur dans le secteur.

En 2014, l’Ademe comptabilisait 633 millions de nouveaux appareils électriques et électroniques commercialisés en France, soit six fois plus qu’il y a vingt ans. Tandis qu’étaient ainsi mises en circulation 1,55 million d’équipements neufs, les éco-organismes collectaient 526 855 tonnes de DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques). Ce sont donc les deux tiers du volume mis sur le marché qui sont aujourd’hui dans l’incapacité d’être absorbés. Malgré la meilleure des volontés et les progrès réels de la filière (+ 9,8 % sur un an), et même renforçant les incitations pour les enseignes et les particuliers – aujourd’hui bien maigres –, il est illusoire d’imaginer collecter 100 % des DEEE. Sans parler du passif accumulé dans les déchetteries, les décharges sauvages, et sous la poussière de nos caves, placards et greniers.

Pire encore, quand bien même on s’approcherait de cet idéal, seuls 3 % des équipements aujourd’hui collectés sont réutilisés, tels quels ou sous forme de pièces détachées. Le reste est traité de façon grossière, avec une vision proche du recyclage du papier ou de l’aluminium. Quel que soit leur état ou leur sophistication, les appareils ne sont perçus que comme une source de matière première quasiment brute, évaluée à la tonne. Et les 50 Md$ de matériaux ainsi récupérables annuellement dans le monde (or, cuivre, terres rares, plastiques…) sont certes considérables, mais c’est une valeur bien mince par rapport à celle, ajoutée et résiduelle, qui disparaît chaque fois qu’un téléphone et ses composants sont démantelés et fondus aveuglément.

Au-delà des limites inhérentes aux processus de collecte et de valorisation, il faut rappeler que le recyclage, c’est d’abord une destruction, et donc une incitation implicite à produire et acheter neuf. Or, Apple le concède lui-même dans son rapport Développement durable, 88 % de l’empreinte carbone d’un iPhone 6, par exemple, provient de sa fabrication, contre 12 % seulement pour son utilisation. Le bilan environnemental d’un changement d’appareil, fût-il recyclé, est donc désastreux.

Il y a par conséquent urgence à reconnaître les limites du recyclage en matière de DEEE. Malgré son utilité en dernier recours, le recyclage ne doit plus être considéré comme la panacée, au risque de freiner l’émergence d’approches complémentaires, mais surtout ne plus servir de bonne conscience commode à un modèle archaïque et excessivement polluant. Tant que le secteur des technologies n’aura pas procédé à une profonde remise en cause culturelle, tant que ses entreprises chercheront par l’obsolescence programmée à encourager l’achat perpétuel de produits neufs, tous les processus d’écoconception, tous les programmes de recyclage, tous les Liam, demeureront des alibis à l’impact limité. Seul l’allongement de la durée de vie des appareils, à travers leur réutilisation sous une forme ou sous une autre, sera en mesure de lisser leur impact environnemental. À l’image du projet Ara finalement abandonné par Google, le téléphone modulaire, dont on choisirait et changerait les composants en fonction de ses besoins et de l’innovation, constitue une piste. La facilité de réparation, comme le propose le Fairphone, un téléphone socialement responsable d’origine hollandaise, en est une autre. Mais l’objectif reste le même : moins produire pour moins polluer sans pour autant sacrifier notre mode de vie.

 

   A propos de l'auteur: Vianney Vaute, 28 ans, est le cofondateur et CMO de Back Market, la première plateforme dédiée aux produits reconditionnés. Féru d’écologie et inspiré par Rifkin, Vianney entend booster l’économie circulaire et lutter contre la boulimie du neuf. Après avoir étudié au Celsa, Vianney a travaillé en tant que planneur stratégique pour différentes startup innovantes et agence de communications, comme Five by Five et BETC Paris.

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NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
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