Bonjour, Vinciane, je suis ravi de jouer pour toi le rôle de celui qui pose les questions. Ton travail, tu le sais, a eu une influence décisive pour mon propre projet philosophique, et tu as ouvert un espace pour parler autrement des animaux non humains. Je voulais ici prolonger ce dialogue – que nous entretenons tous les deux depuis quelques années comme un petit feu qui réchauffe – sur ces questions qui nous travaillent, pour en faire profiter les lecteurs de ce numéro. Avec Socialter, nous avons choisi d’intituler ce numéro « Renouer avec le vivant », mais je devine sans peine que tu n’aimes pas trop le verbe « renouer » : il peut sembler charrier une sorte de nostalgie primitiviste, envers un âge d’or antérieur à la « séparation ». Or, tu t’en doutes, c’est un écueil qu’on a voulu éviter. Mais ce verbe reste selon moi pertinent. Parce que factuellement, il y a bien des nœuds desserrés dans nos relations avec les vivants : notre parenté avec tous les vivants est un fait que nous acceptons scientifiquement, mais qui n’a pas produit ses effets sur notre conception du monde et notre politique. De même pour nos interdépendances constitutives avec le monde vivant alentour. Il ne s’agit donc pas dans ce numéro de fantasmer un retour vers d’autres formes d’organisation humaines qui auraient été « en harmonie avec la nature », mais de renouer avec un monde vivant dont nous provenons de fait. Peut-on donner à ce verbe un sens qui te parle ? Ou veux-tu en...