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Cohome : tu viens coworker à la maison ?

Depuis quelques mois, la plateforme Cohome propose un "coworking à domicile" pour les freelances. Le concept : se réunir pour travailler chez les uns et les autres. On a voulu savoir si l'idée pouvait vraiment concurrencer le coworking, alors on a testé pour vous le "cohoming".

Ambiance studieuse dans le salon de Vincent, dans le 20e arrondissement de Paris. Ils sont trois à la table, penchés sur leur ordinateur portable, tandis qu’un autre répond à ses mails depuis le fond du canapé. Le doux bruit du pianotement sur les claviers est seulement parfois brisé par une sonnerie de téléphone. “Je peux m’isoler dans la cuisine pour un coup de fil ?”, demande Laura poliment. Il est presque 11 heures et le “cohoming” bat son plein.

Ils ne se connaissaient pas il y a quelques mois encore, mais les voilà à se retrouver ensemble pour travailler, comme on le fait avec ses copains de fac au moment des partiels. Leur point commun ? Ce sont tous des travailleurs indépendants. “Être avec d’autres personnes permet de bien se concentrer, parce que lorsqu’on est tout seul chez soi, on procrastine”, reconnaît Véronique, 43 ans, qui vient de se lancer dans un nouveau projet pour monter son entreprise.



Bonne ambiance et entrepreneuriat chez Vincent

 

C’est grâce à Cohome qu’ils se sont trouvés. Cette plateforme met en relation des professionnels freelances afin d’organiser des sessions de travail communes. À l’origine de l’idée, deux jeunes femmes à la bonne humeur contagieuse : Laura Choisy, consultante en communication web dans l’économie sociale et solidaire, et Céline Martinet, développeuse informatique. Elles se rencontrent en 2014 et font le même constat : la vie d’indépendant, c’est beaucoup d’heures passées chez soi, et c’est vite démotivant. Les deux Parisiennes décident d’en découdre en imaginant le concept de “coworking à domicile”. Vous avez une grande table, une cafetière et un bon wifi ? Pourquoi pas devenir cohomeur ?

 

Une entreprise familiale éphémère

Vincent, community manager et attaché de presse, n’en est pas à son premier cohoming : “J’ai même eu l’occasion de décrocher une mission grâce à une autre cohomeuse qui m’a parlé de de son projet !”. Car derrière les rencontres, ce sont aussi des synergies qui se créent. “Le business est partout”, affirme Laura, même sur un coin de canapé au détour d’une pause biscuit. Clément, 25 ans, se lance timidement dans la présentation de son projet : “J’aimerais redonner le sourire aux gens dans le métro, avec des pancartes qui inciteraient à échanger quelques mots dans une langue étrangère par exemple. Vous en pensez quoi ?

Officiellement lancée le 7 mars dernier, Cohome connaît un succès grandissant. En quelques semaines, des communautés locales se sont formées partout dans l’Hexagone, et la plateforme propose aujourd’hui des sessions de travail dans 11 villes, dont Marseille, Rennes, Grenoble, Toulouse ou Strasbourg. Preuve que la problématique de l’isolement des travailleurs indépendants est une réalité.


 
Pour le lancement de Cohome, une session coworking au Bar by O’Sisters, à Paris le 7 mars (crédit photo : Marie Létournel)

 

Un espace de travail, des synergies professionnelles, une vie de communauté… Mais quelle différence avec le coworking ? “C’est bien mieux !”, déclarent à l’unisson tous les cohomeurs présents chez Vincent ce jour-là. “Tu as déjà fait du coworking ? Il faut casser le mythe : c’est cher, bruyant et très impersonnel. On n’y parle que « start-up » et « levée de fonds »”, soufflent-ils. Quand les espaces de coworking coûtent souvent presque l’équivalent d’un loyer supplémentaire par mois, Cohome veut s’adresser à tous : les sessions de cohoming reviennent rarement à plus de 5 ou 10 euros par journée, sur lesquels la plateforme prélève un euro de commission fixe pour continuer à fonctionner.

Surtout, c’est la dimension humaine qui attire les travailleurs. “Avec Cohome, les liens se créent de façon beaucoup plus naturelle, parce qu’on est en petit comité, parce qu’on ouvre la porte de chez soi, façon Couchsurfing ou Airbnb.” Effectivement, autour d'un repas acheté ensemble chez Picard, les langues se délient facilement. “C’est une sorte d’entreprise familiale éphémère”, lance Vincent avec inspiration.

Après Lille et Nantes le mois passé, l’équipe de Cohome est actuellement à Bordeaux pour son “festival régional du cohoming”. Ce tour de France se poursuivra en juillet avec Lyon.

 

“Peu importe où vous en êtes dans votre vie, vous avez des choses à apporter à la société”



Quel regard portez-vous sur le monde du travail ? Quel rôle peut y jouer Cohome ?

Laura Choisy : Le monde du travail est en pleine mutation. Les jeunes veulent plus de reconnaissance, progresser plus vite et accomplir leurs rêves de grandeur. D’un autre côté, l’ubérisation de certains métiers amène à se poser la question de la précarité de ces nouvelles formes de travail à la demande et sans engagement. C’est à la croisée de ces deux chemins que Cohome se positionne pour créer de la rencontre entre toutes ces populations de travailleurs. Peu importe où vous en êtes dans votre vie : que vous soyez chômeur ou freelance, étudiant ou entrepreneur, vous avez des choses à apporter à la société et à vos pairs. La rencontre de proximité avec toutes ces populations est essentielle pour créer du lien social.

Souhaitez-vous généraliser le concept aux travailleurs salariés ?

L’utilisation du cohoming est ouverte à tous les actifs, du chômeur au serial entrepreneur, en passant par l’étudiant, l’artiste et même les salariés. Toutefois, la mise en place du télétravail pour les salariés en France peut être très compliquée. Ajouter à cela l’opportunité du cohoming est bien trop avant-gardiste pour de nombreuses grandes entreprises qui sont déjà effrayées par l’idée même de ne pas avoir sous le coude leurs salariés pour pouvoir les surveiller à toute heure du jour.

Par ailleurs, nous souhaitons pouvoir développer rapidement les communautés locales en zones rurales. La France est un pays centralisé où les opportunités professionnelles diminuent à mesure que la distance qui sépare des villes augmente. Pourtant, le web permet à beaucoup de métiers de ne pas avoir besoin de se trouver à un endroit précis pour être exercés. Ce qui rebute certains travailleurs à s’éloigner des zones urbaines reste la peur de l’isolement et de l’éloignement des activités professionnelles. Si des réseaux locaux de cohoming se développent, c’est autant d’opportunités humaines et professionnelles qui émergent, valorisant les territoires ainsi que les hommes et femmes qui y vivent.

Notre objectif à long terme est de permettre à chaque actif de savoir qu’il n’est pas seul dans sa vie professionnelle, peu importe son bagage et sa zone géographique.

 

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