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Bientôt une protection des travailleurs sur plateformes en France ?

Un rapport de l'IGAS et de l'IGS met en lumières les inégalités de protection entre les travailleurs indépendants et les lacunes de l'assurance-chômage. La catégorie des travailleurs de plateformes est particulièrement vulnérable.

Le gouvernement va-t-il étendre l’assurance-chômage aux travailleurs indépendants? Le candidat Emmanuel Macron avait promis une réforme de cette assurance qui intégrerait cette partie de la population. Le journal Le Monde s’est procuré un rapport provisoire daté du mois d’octobre de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF). Si ce document ne donne pas de solution définitive pour permettre aux indépendants d’avoir droit aux assurances-chômage, il dresse un certain nombre de scénarios.

Le rapport réalise avant tout un nécessaire travail de typologie. La catégorie des indépendants est très hétérogène. Entre le coursier Uber, l'agriculteur indépendant ou les professions libérales, le gouffre est énorme. Les indépendants sont d’abord inégaux en terme de salaires: 17.320 euros par an pour les professions agricoles contre 51.500 euros pour les professions libérales. Des écarts qui impliquent nécessairement des besoins différents dans la protection entre les différents types d’indépendants. La nature du travail réalisé engendre également d’autres inégalités : le risque d’accident ou de baisse d’activité est plus fort chez le coursier Deliveroo que chez le designer freelance.

Le rapport fait émerger une nouvelle catégorie de travailleurs: celui indépendants économiquement dépendants. En résumé, ceux travaillant pour des plateformes d’internet à l’image d’Uber ou Deliveroo. Selon le rapport, ces travailleurs sont sujets à “un risque de perte d’emploi qui s’apparente à celui des salariés, en ce qu’il peut être largement exogène à leur activité”. S’ils sont libres de décider de leur temps de travail, ces travailleurs sont en réalité extrêmement dépendants d’un acteur qui décide unilatéralement des règles du jeu: la plateforme.

Régime d’exception pour les travailleurs de plateforme


Certains peuvent en effet perdre leur emploi du jour au lendemain, pour ne pas dire en quelques heures. Un chauffeur Uber en recevant des notes négatives peut chuter dans le référencement de l’algorithme de la plateforme. Résultat: plus aucune course ne lui est demandée et il se retrouve désoeuvré. Sans compter tous les changements qui peuvent survenir dans les règles d’accès voire même une fermeture du service comme cela s’est passé récemment avec
Take It Easy.

Actuellement, ces travailleurs ne sont pas identifiés comme une catégorie à part entière. Ils sont majoritairement rattachés au Régime Social des Indépendants (RSI) avec un statut de micro-entrepreneur. Mais ce régime spécifique va disparaître progressivement à partir du 1er janvier 2018, afin d’être rattaché au régime général des salariés. Ils disposent de très peu de droits. Même s’ils bénéficient d’une couverture sociale (maladie, maternité, retraite…), ils n’ont pas accès à l’assurance-chômage. L’option restante est de souscrire à une assurance privée.


Que préconise donc le rapport pour remédier à cette situation? L’idée serait d’accorder un droit au chômage pour ces travailleurs, que ce soit en cas de perte d’emploi, mais aussi si le chiffre d’affaires du micro-entrepreneur enregistre une trop forte baisse. En effet, l’IGAS refuse de prendre en charge ce genre de situation pour les autres travailleurs indépendants. “L’assurance-chômage n’a pas pour vocation première de constituer un dispositif de complément de revenu”, souligne le rapport. Les travailleurs de plateformes font exception pour le motif que l’objectif est de “répondre aux défis de la dépendance économique à l’égard d’un donneur d’ordres”.

L’Union Européenne consciente du problème


Un tel dispositif pourrait alors octroyer une première protection à une population fragile économiquement. Mais elle est loin de résoudre tous les problèmes. Par exemple, la rémunération extrêmement faible des chauffeurs, dont le prix de la course est calculé selon un algorithme régit par la loi de l’offre et de la demande. Surtout, l’octroi d’une assurance-chômage ne doit pas épargner au législateur une réflexion d’ensemble sur le phénomène des plateformes et du travail connecté qui tend systématiquement à échapper aux régulations en vigueur.


Ce rapport tombe au moment où la réflexion sur les plateformes semble enfin s’amorcer en Europe. Le 17 novembre dernier, un sommet social s’est tenu à Göteborg entre les chefs d’États et de gouvernements de l’UE pour réformer le marché du travail. Les autorités semblent prendre conscience de la nécessité de nouveaux droits et protections. Reste à voir si les grandes déclarations ne produiront pas de simples rustines.

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