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Au Mexique, les agriculteurs font de leurs déchets une ressource

L'agriculture est un secteur clef du Mexique. Mais la répartition entre les grandes exploitations et les plus petites est très inégale. Biobolsa veut venir en aide aux agriculteurs les plus modestes. Son but : leur permettre de créer de l'énergie à partir des déchets.

A Mexico, au cours d’une longue escale, nous rendons visite à Esther Altorfer, directrice financière de l’entreprise Sistema Biobolsa. L’entreprise avait déjà rencontrée l’équipe de WIFU en 2012, deux ans après sa création. Mais depuis, quel changement : “S’il y a 4 ans nous n’étions encore qu’au stade de projet, nous sommes, aujourd’hui, une entreprise leader au Mexique” annonce fièrement Esther.

Biobolsa, c’est quoi ?

Le constat de départ est simple : de nombreux agriculteurs stockent à côté de chez eux les excréments de leurs bêtes pour en faire de l'engrais. Le processus est long et risqué pour la santé : certaines bactéries nocives peuvent de s'infiltrer dans le sol, jusqu’aux nappes phréatiques en cas de fortes pluies, rendant l’eau impropre à la consommation.

En 2010, Sistema Biobolsa met donc au point un biodigesteur, sorte de grand réservoir dans lequel se trouve eau et bactéries, auxquelles on ajoute les excréments animaux afin d’accélérer leur digestion. En l’espace de quelques heures, l'agriculteur obtient, d'un côté du biogaz, et de l'autre du biol, un fertilisant naturel riche en nutriments et permettant la régénération des sols. Dès lors, les "déchets" deviennent une ressource essentielle à la production d’énergie.

A qui profite le système ?

Si les grands élevages se sont, pour la majeure partie, dotés de ce type de biodigesteur, la priorité de Sistema Biobolsa est de faire profiter cette technologie aux agriculteurs plus modestes. Seules trois conditions sont requises pour percevoir l’aide de l’entreprise.

D'abord, l’agriculteur doit disposer d'une quantité quotidienne d'excréments suffisante, soit 19 litres. En fonction de cette quantité "pure", c’est-à-dire sans cailloux ni terre, il aura le choix entre 18 tailles de biodigesteur, de 4 à 200 mètres cube. Ensuite, il est nécessaire d’avoir une source d'eau près de chez soi, pour alimenter le réacteur du biodigesteur. Enfin, l’agriculteur doit posséder des terres cultivables en vue de l’utilisation du biol.

Si toutes ces conditions sont réunies, les techniciens de l’entreprise peuvent procéder à la mise en place du système. Elle se déroule en trois visites. Dans un premier temps, on installe rapidement le biodigesteur. La deuxième visite, entre 80 et 190 jours après, se déroule lors des premières émissions de biogaz et biol. La troisième et dernière visite a lieu dans les 6 mois suivant afin de contrôler le bon fonctionnement du système et d’en mesurer les impacts.

Des agriculteurs gagnants à tous les niveaux

Mais convaincre des agriculteurs au statut précaire d’investir dans un appareil peut s’avérer difficile Sistema Biobolsa disposent donc d’arguments économiques et financiers solides. Déjà, cette technologie a un coût non négligeable: il faut compter 1735 euros pour un biodigesteur de 20 mètres cube. Esther et son équipe proposent une aide à l’achat aux agriculteurs. Grâce à un partenariat avec la plateforme de prêts citoyens Kiva, 500 clients ont déjà pu bénéficier d'un prêt à taux 0 pour se doter du système.



Le deuxième argument : l’agriculteur est assuré d’un retour sur investissement en moins de deux ans. Avec un biodigesteur de 20 mètres cube, un agriculteur économise chaque année 460€ en énergie et 580€ en engrais. Dernière raison pour les plus gros agriculteurs (c’est-à-dire les élevages d’environ 50 à 80 vaches) : grâce au biodigesteur, ils parviennent à produire une quantité de biogaz excédant leurs besoins. Sistema Biobolsa propose alors d'acquérir un transformateur pour convertir ce biogaz en électricité. L'agriculteur peut en revendre le surplus au réseau et profiter d’une source de revenus supplémentaire.

Une entreprise sur le terrain

Les agriculteurs, souvent investis dans une activité de subsistance, ne se sentent pas forcément concernés par les problématiques écologiques. Sistema Biobolsa met donc en place des actions pour se faire connaître et sensibiliser les agriculteurs et leur descendance.

L’une des dimensions fondamentales du programme est la présentation, au sein même des villages et des communautés, de leur produit. Des démonstrations sont organisées et des explications dispensées par les techniciens, eux-mêmes clients, ce qui accrédite davantage leur propos. L’entreprise anticipe sur l’avenir et s’adresse également aux futurs acteurs du développement durable. De nombreuses activités sont proposées aux enfants, les convaincant, par des jeux, des chansons, des spectacles, que la planète court un grand danger et que le biodigesteur de leurs parents peut lui porter secours.

Et pour l’avenir ?

Sistema Biobolsa a fait du chemin et ne compte pas s’arrêter là. Il y a 4 ans, l’entreprise comptait à peine 6 employés contre 31 aujourd’hui, et 750 biodigesteurs installés contre 2700 à l’heure actuelle. L’expansion est aussi géographique : l’un des objectifs de l’entreprise est de se faire une place sur le marché étranger. Un bureau vient d’ouvrir au Nicaragua et d’autres pays sont ciblés par l'entreprise dont Haïti, Madagascar, le Pérou et le Gana. Pour financer cette croissance internationale, Sistema Biobolsa a réalisé une première levée de fonds en 2015-2016. L'entreprise devra former des techniciens sur place pour permettre le développement de ces marchés.



Et l’imagination d’Esther et ses collègues ne s’arrête pas là, puisque l’autre grand enjeu pour l’avenir est de parvenir à adapter cette technologie au traitement des excréments humains. Un moyen, entre autre, d'améliorer l'hygiène dans des bidonvilles. Par cette logique du zéro déchet, Sistema Biobolsa s’engage au quotidien pour le bien-être des petits et moyens agriculteurs, tout autant que la protection de l’environnement. Pari gagné!

Pour suivre le WIFU Project : http://www.wifuproject.com/

Crédit photo : Systema Biobolsa 

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