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Aquamation, humusation, crémation... Comment ne plus polluer après sa mort

Coûteuses pour l'environnement, la crémation et l'inhumation sont remises en cause par les défenseurs d'un mode de vie plus écologique. Si elles sont, pour l'instant, les deux seuls rituels funéraires autorisés en France, des techniques alternatives font de plus en plus d'adeptes, pour que nos morts renouent avec le vivant.

Comment respecter le vivant, même après sa mort ? Ils sont de plus en plus nombreux à voir dans l’enterrement le dernier défi d’une vie « responsable » et « vertueuse ». « À quoi bon changer son mode de vie si c’est pour rater sa mort », résume Léonie, 58 ans, militante écologiste.

Sujet tabou s’il en est dans nos sociétés, « l’après » n’échappe désormais plus aux considérations écologiques. Une fois mort, comment cesser définitivement de polluer ? Si elle est osée, voire culpabilisante, la question n’est pas si saugrenue, à en croire une étude réalisée en 2017 par les services funéraires de la ville de Paris. D’après l’enquête, l’inhumation provoque de nombreux dégats écologiques sur notre planète.

L’inhumation = un Paris - New York


Cette pratique, pourtant plébiscitée par encore 46 % des Français, selon le baromètre Ipsos de 2018, est 3,6 fois plus polluante que la crémation, l’autre rite autorisé dans l’Hexagone. En moyenne, l’inhumation émet 833 kilos de CO
2 , l’équivalent de 11% des émissions annuelles d’un Français moyen. C’est presque autant qu’un aller-retour Paris - New York en avion.

Un lourd bilan, principalement dû à la sépulture, qui représente, à elle seule, 88% de l’impact écologique. « Pour des obsèques plus vertes, il faut à tout prix éviter les caveaux, les stèles ou les pierres tombales et favoriser la pleine terre et les plantations », détaille Brigitte Lapouge-Déjain, auteure de Funérailles écologiques : Pour des obsèques respectueuses de l’homme et de la planète. Très émettrice en gaz à effet de serre, une tombe est constituée d’une dalle en granit qui est, quatre fois sur cinq, importée ? principalement d’Asie, d’Afrique du Sud et du Chilli.

Le formol intoxique la nappe phréatique


Aujourd’hui, les pompes funèbres procèdent dans 70% des cas à la thanatopraxie. Popularisée dans les années 1980, cette technique consiste à injecter dans la dépouille entre six et dix litres d’un produit aseptique et stérilisant, contenant principalement du formaldéhyde, mais aussi du méthanol, du glycol, et du phénol pour conserver le corps du défunt. Un cocktail explosif qui, lors de la décomposition, s’infiltre dans la terre et pollue le sol et les nappes phréatiques.


Le Centre international de recherche sur le cancer (CICR), organe dépendant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), classe le formaldéhyde comme cancérogène pour l’homme. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail s’est penchée sur le sujet, dès 2011. Elle a déposé auprès de l’Agence européenne des substances chimiques (ECHA) une demande de révision de la classification du formaldéhyde comme cancérogène avéré.

« Il y a un débat d’experts de longue date sur ce que l’on appelle le formol, indique Richard Férié, directeur du CPFM, le syndicat patronal du secteur funéraire. Depuis environ trois ans, on voit d’ailleurs apparaître des produits de substitution, comme le Safebalm, ou plus récemment, l’Art cave secur, en vente depuis février 2019. Ces alternatives sont, pour l’instant, plus coûteuses. »

Cercueils et urnes biodégradables


Pour éviter que les morts ne viennent hanter les vivants de leur empreinte carbone, des initiatives fleurissent en France. Le recours au cercueil biodégradable est l’une d’elles. «
Le plus écologique reste le carton recyclé, puis le bois blanc comme le peuplier », précise Brigitte Lapouge-Déjain. L’urne, aussi, peut être biodégradable… voire connectée.

C’est l’idée de Bios Urn, une startup catalane qui propose de faire pousser un arbre dont les racines se nourrissent des cendres du défunt. L’urne s’insert dans un grand pot contenant un capteur qui surveille température, humidité et conductivité du terreau. Pas certain que la la fabrication et la présence d’un capteur dans le sol soit très écolo, mais l’entreprise y voit une garantie « pour permettre la croissance correcte d’un arbre ou d’une plante quand il est planté avec les restes de votre bien-aimé ».

 

Plongés en eau trouble


Autre méthode qui, quoique encore illégale en France, a le vent en poupe à l’étranger : l’aquamation. Un rite qui consiste à plonger le corps dans un bain chimique à base de solution alcaline. Breveté en 1988, par l’anglais Amos Herbert Hobson, le procédé n’est pas nouveau, mais réservé jusque-là aux animaux. Comme dans les années 1990, lors de la crise de la vache folle en Angleterre, l'objectif était alors d’éviter que la crémation ne transmette des bactéries à l’homme.

Lors du processus, la dépouille est immergée dans une cuve d'eau, chauffée à plus de 100 °C, avec de l’hydroxyde de sodium et de potassium. Ce mélange dissout tous les tissus corporels. En douze heures, il ne reste plus que des os broyés, sous forme de poudre, et remis dans une urne à la famille. Ce procédé n'émet qu'un kilogramme de CO2 dans l’eau, contre 160 dans l’air pour une crémation. Cependant, ce calcul ne prend pas en compte la production des produits chimiques utiles à la dissolution du corps.  Pour l’instant, il est autorisé en Australie, dans une partie du Canada, dans quinze États américains, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.

Bientôt tous réincarnés en arbres ?


Mais certains vont plus loin, comme la sénatrice LR du Rhône, Elisabeth Lamure, qui réclame l’autorisation de transformer les corps des défunts…. en compost. «
La législation actuelle permet seulement l’inhumation et la crémation. Un certain nombre de Français, dont des habitants du département du Rhône, souhaitent pouvoir bénéficier de l’humusation », a-t-elle déclaré lors d’une séance au Sénat.

Chez nos voisins belges aussi, l’humusation a ses adeptes. « Contrairement aux autres pratiques, elle n’a pas recours aux énergies fossiles, préserve la qualité des eaux, et mobilise toute la biomasse disponible pour régénérer les sols afin de favoriser la croissance de nombreux arbres, expose Francis Busigny, président de l’association Métamorphose pour mourir. On traite nos défunts comme des déchets ou des immondices que l’on brûle. Alors que nous sommes une ressources régénératrices pour la terre. »

L’humusation, serait donc la solution pour retourner vers mère nature, dans le respect des êtres vivants et des générations futures. Comment ça marche ? « Le corps est déposé dans un linceul biodégradable, sans embaumement. Il est recouvert d’une couche de matières végétales broyées puis de copeaux humidifiés. En douze mois, les dépouilles mortelles deviennent un humus sain et fertil », explique l’association sur son site internet.

L’humusation, un choix politique


Ce nouveau rite funéraire, défendu par des figures de l’écologie, comme le chercheur Pablo Servigne, auteur de Comment Tout peut s'effondrer, (éditions du Seuil, 218), permettrait également de répondre à l’engorgement des cimetières. Une situation qui risque de s’aggraver en même temps que l’accroissement de la population. « Un problème de santé publique, peu sexy et encore tabou pour les politiques, que la population préfère occulter », estime Francis Busigny.



Dans une réponse adressée à Elisabeth Lamure, publiée en 2016, le ministère de l’Intérieur rappelle que «
l’humusation est actuellement interdite » et que son introduction en droit interne « soulèverait des questions importantes, tenant notamment à l’absence de statut juridique des particules issues de cette technique ». Les pouvoirs publics français ne semblent donc pas décidés à légiférer en vue d’une autorisation.

La Belgique pionnière des funérailles écolo ?


Mais certains pays se montrent moins frileux sur le sujet. Outre-atlantique, Jamie Pedersen, élu démocrate du Sénat de l’État de Washington, a déposé, le 16 janvier, un projet de loi élargissant les possibilités d'obsèques proposées aux familles. Aux traditionnelles crémations et inhumations, il suggère d’ajouter l’aquamation et l’humusation.
Adopté par les élus, le texte attend la validation du gouverneur démocrate de l’état pour entrer en vigueur a indiqué le New York Times.

Côté belge, l’université catholique de Louvain procède, en ce moment, à des tests sur des porcs. D’après le site d’information l’Avenir, le groupe Ecolo, du conseil communal de Mons, a déposé, en 2018, une motion en faveur de la reconnaissance de l’humusation comme mode légal de sépulture. La même année, le conseil communal de Liège a approuvé une motion visant à reconnaître ce même procédé.

La question saura-t-elle s’imposer dans le débat public hexagonal ? Face aux préoccupations sociales qui traversent le pays, rien n’est moins sûr. Pourtant le devenir de nos dépouilles mortelles est une question essentielle depuis des millénaires. La genèse déjà apprenait à l’homme : « tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière ». Considérons pour le futur, les écologistes comme parole d’évangile… et compost nous finirons.

 

 

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