Numéro 50
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Numéro 50

À quoi devons-nous renoncer ?

Avion, smartphone, voiture, viande, fruits exotiques, légumes hors-saison... À quoi devons-nous renoncer ? Une fois admis que le mode de vie occidental n’est pas soutenable écologiquement et que tout ne pourra pas être rendu « vert », il devient nécessaire de faire le tri parmi nos objets, nos usages et nos habitudes. Et pour atteindre l’objectif de 2 tonnes équivalent carbone par personne, certains sacrifices seront nécessaires... De quoi avons-nous vraiment besoin ? Pourquoi rien n’est-il jamais « suffisant » ? Faudra-t-il nous rationner ? Boycotter sert-il à quelque chose ? Comment démanteler nos grandes infrastructures ?

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L'ENTRETIEN FLEUVE

Jacques Rancière : « Il n'y a pas de science de la politique »

Il y a trente ans, l’effondrement du bloc soviétique aurait inauguré
une nouvelle ère : celle de la démocratie et du capitalisme universels
qui, régnant désormais de concert et sans partage, devaient accoucher
d’un monde pacifié. Comme l’a très tôt vu Jacques Rancière, cette
prophétie n’a servi qu’à dissimuler la violence d’un camp autoproclamé
du « bien ».

DOSSIER

Trop c'est trop

Pourquoi n’en avons-nous jamais assez? Parce que la production de besoins artificiels est consubstantielle au capitalisme, répondent le penseur André Gorz et ses héritiers aujourd’hui. La catastrophe écologique nous force désormais à affronter des questions laissées en suspens: de quoi avons-nous vraiment collectivement besoin, et qu’est-ce qui fait qu’une vie vaut la peine d’être vécue.

Peser deux tonnes : le jeu des 7 différences

Deux tonnes: c’est la quantité maximale de gaz à effet de serre (GES) à émettre par an et par personne à l’horizon 2050 pour contenir le dérèglement climatique. Soit... cinq fois moins que ce qu’émet à l’heure actuelle le mode de vie d’un Français moyen. Contre l’illusion d’une transition «douce», indolore, des spécialistes de la décarbonation, du cabinet BL évolution, du Shift Project ou plus récemment de l’Agence de la transition écologique (Ademe), élaborent des trajectoires concrètes de décroissance énergétique. Entre économie de guerre et utopie frugale, tous projettent une transformation drastique de nos quotidiens. Moins de viande, de flux vidéo, de mobilité: Socialter s’est risqué à faire un tour d’horizon des mesures de sobriété les plus décoiffantes pour atteindre la neutralité carbone.

Rationner, une décroissance dans l'égalité ?

Partager dans la contrainte et non plus dans l’abondance, telle est l’équation à laquelle répond le rationnement. Face à la nécessaire décroissance de nos modes de vie, l’idée revient peu à peu dans le débat depuis le Royaume-Uni, pays où la mémoire de l’austérité liée à la Seconde Guerre mondiale est moins traumatique que chez nous.

L'usage contre la propriété

Renoncer à prendre l’avion, à acheter des légumes hors saison, à prendre plusieurs douches par jour... trop fastoche. Et si on passait au niveau supérieur: s’affranchir de la propriété privée? L’idée semble incongrue, tant l’appropriation privative a été, depuis l’avènement de la société de consommation, élevée au rang de dogme. Pour enrayer le gaspillage des ressources, il apparaît pourtant nécessaire de s’en détacher et de mutualiser l’usage d’un maximum d’objets du quotidien.

Alexandre Monnin : « Il nous faut développer un art de la fermeture »

Alors que l’impératif de «renoncer» à une partie de nos infrastructures, biens et usages écocidaires s’impose peu à peu, ce processus ne se fera pas de lui-même, et certaines des ruines dont nous héritons continueront de produire leurs effets néfastes à l’avenir. Alexandre Monnin, coauteur de l’ouvrage Héritage et Fermeture. Une écologie du démantèlement (Divergences, 2021), fait partie de ceux qui tracent un nouveau sillon intellectuel et stratégique dans l’écologie politique: une politique du renoncement.

Pour un abstentionnisme économique

Au problème du renoncement à certains schémas de consommation et d’usage, la société répond: «Soyez éthique!» Comprendre: faites un effort et choisissez bien. Une approche largement individualiste, morale, coûteuse, qui a pour effet de dépolitiser la question du mode de vie et d’en exclure le plus grand nombre. S’opposant à cette injonction, la philosophe Jeanne Guien*, qui vient de publier Le Consumérisme à travers ses objets (Divergences, 2021), s’interroge sur la manière de faire du renoncement un acte collectif.

Homo confort, ou l'hégémonie du bien-être

Archiconsensuel, le confort caractéristique du mode de vie moderne montre chaque jour un peu plus le prix qu’il exige: aliénation, individualisation et destruction des écosystèmes. Dans son ouvrage Homo confort. Le prix à payer d’une
vie sans efforts ni contraintes (à paraître aux éditions L’échappée en avril 2022) – dont Socialter publie ici
les bonnes feuilles –, l’anthropologue Stefano Boni* tente d’analyser les raisons historiques et politiques qui expliquent l’absence quasi totale de résistance ou de projet alternatif à la recherche de l’accroissement perpétuel du confort matériel.

GRAND REPORTAGE

Le parc de la discorde au Piton de la fournaise

Dans les altitudes du sud de La Réunion, aux abords des cratères du piton de la Fournaise, un parc d’attractions à l’effigie de l’illustre volcan s’apprête à voir le jour. Toboggans, tyroliennes, ballon captif: des loisirs bruyants et consommables qui s’opposent à la quiétude des lieux. Si l’agglomération vante les avantages du projet, ces promesses peinent à convaincre les habitants du bien-fondé de la transformation de leur territoire en spectacle touristique.

ENQUÊTE

Finance tous risques

Le monde de la finance a inscrit la question du réchauffement climatique à son agenda ces dernières années. À mesure que le dérèglement climatique s’intensifie, les acteurs oscillent entre «green- washing» de façade et inquiétude réelle pour l’avenir. Ce qui n’empêche pas, pour l’instant, le profit à tout prix de continuer à faire loi.

RESSOURCES CRITIQUES

Caoutchouc : chauffe qui pneu

Le caoutchouc naturel, fabriqué à partir du latex extrait de l’hévéa, est présent dans d’innombrables objets que nous utilisons quotidiennement, à commencer par les pneus. Alors que la demande mondiale est en constante hausse, la production du matériau aux propriétés élastiques, concentrée en Asie du Sud-Est et à l’origine d’une déforestation massive, pourrait être mise à mal par les maladies et le changement climatique.

AU LABO

Métavers : touche moi si tu peux

L’intérêt de Facebook pour le métavers a stimulé les entreprises qui s’efforcent de brouiller les frontières entre simulation
et réalité. Reste un verrou à faire sauter : la maîtrise de la technologie haptique, qui «reproduit» la sensation du toucher.

CHRONIQUES

Juliette Rousseau : De quoi renoncement est-il le nom ?

Juliette Rousseau est journaliste, autrice et éditrice aux éditions du Commun. Militante de terrain, elle a coordonné de multiples événements politiques internationaux (contre-G8, contre-G20, etc.) et s’est attachée à questionner les pratiques d’organisation militante dans l’ouvrage Lutter ensemble. Pour de nouvelles complicités politiques, paru aux éditions Cambourakis en 2018. Elle tient cette chronique pour Socialter.

CHRONIQUES

François Begaudeau : Mépriser le mépris

François Bégaudeau est écrivain, critique littéraire, scénariste et réalisateur. Auteur de plusieurs romans dont La Blessure, la vraie (Verticales, 2011) et En guerre (Verticales, 2018), il a récemment signé l’essai Notre joie (Pauvert, septembre 2021). Il tient une chronique régulière pour Socialter et livre deux fois par mois un podcast de critique de cinéma, La gêne occasionnée.

BLEU BLANC VERT - LA CHRONIQUE PRÉSIDENTIELLE

Pourquoi le climat est-il si étouffant ?

À chaque numéro, Socialter décrypte un enjeu écologique lié à la présidentielle de 2022 pour révéler les clivages et affrontements idéologiques qui se jouent au-delà des calculs politiques. Dans ce numéro, nous nous demandons pourquoi, dans l’espace médiatique,
la crise écologique a été réduite à la crise climatique

PLAT DE RÉSISTANCE

Décarboner la recherche

De nombreux chercheurs ouvrent les yeux sur le système de valeurs du milieu académique contemporain – qui incite continuellement à la production scientifique et à l’hypermobilité – et tentent de changer la donne en rendant leurs pratiques plus écologiques.

LES DÉTERRÉS

Écrasantes machines

Gilbert Simondon (1924-1989) a construit une œuvre touchant à toutes les facettes de l’existence humaine: psychique, sociale, culturelle. Nourri par la physique et les sciences de la vie, le philosophe a en particulier élaboré une pensée originale de la technique, s’élevant contre son détournement au service de la puissance.

L'IDÉE DONT VOUS ÊTES LE HÉROS

Quelle aide à la presse êtes-vous ?

Érosion du lectorat, chute des recettes publicitaires, toute-puissance des Gafam... la presse est en crise, nous dit-on depuis des années, et ce malgré les subventions accordées par l’État aux journaux et magazines. Défaillant, ce système d’aides ne devrait-il pas être réformé afin d’assurer le pluralisme et garantir une presse libre et de qualité ?

CARNETS DE CRISES

Si les écosystèmes parlaient

Les nuits de Noël, les animaux parlent, la chose est bien connue. Une autre l’est moins: les écosystèmes parlent le 29 février des années bissextiles – à l’échelle de leur durée, c’est une discussion régulière... En voici une, espionnée pour vous le 29 février 2024, entre deux écosystèmes: une céréaliculture beauceronne et une riziculture du Yuanyang, dans le sud de la Chine. Les protagonistes font d’abord assaut de fierté, puis ils s’avouent leurs petits ennuis...

J'HABITE...

J'habite... dans un logement passif

Violaine Limonier habite un T2 à la chaleur douillette, qui ne compte pourtant aucun chauffage visible. Son appartement fait partie d’une résidence sociale «passive», réalisée par l’architecte Rolf Matz: grâce à une bonne isolation, l’immeuble consomme très peu d’énergie. Une démarche qui se veut exemplaire mais qui fait débat.

CHANGER DE VIE... ET APRÈS ?

Max Senange, du marketing à la foresterie « La première chose, c'est de faire profil bas »

Max Senange travaillait dans le conseil et le marketing. Mais il a préféré quitter cette situation confortable pour fonder Cerf Vert, un groupement forestier basé à Lyon qui défend une sylviculture écolo.