Voici maintenant dix ans que l’on parle du détricotage du droit de l’environnement, mais à enlever chaque maille méthodiquement, le gouvernement semble avoir compris qu’il suffisait de tirer bien franchement sur le fil pour que le tricot disparaisse. Il ne s’agit plus d’arrondir certains angles, de créer certaines exceptions ; aujourd’hui, le droit de l’environnement est sabré et saboté sans ménagement.
Le droit de l’environnement se meurt et avec lui tous les principes et les protections qu’il offrait tant bien que mal. Avec lui s’écroule la démocratie locale et le choix des citoyens sur leur territoire. La dématérialisation des enquêtes publiques, et maintenant leur disparition pure au profit de consultations toujours accélérées et avec moins de contacts humains et d’avis disponibles, enterrent petit à petit les voix contestataires locales. Les simulacres de participation du public ne suffisent plus à donner l’impression de démocratie et de choix qu’ils impliquaient. Ils ne sont qu’un passage obligatoire, sans incidence sur l’implantation des projets destructeurs du vivant.
Tribune issue de notre n°70 « Qui veut la peau de l'écologie ? », en kiosque, librairie, à la commande et sur abonnement.

Car ce torpillage du droit de l’environnement se fait au profit d’une destruction toujours plus massive de nos terres. Derrière des grands principes comme l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), nous vivons une accélération et une course aux sols encore disponibles pour être bétonnés. L’objectif ZAN n’est toujours pas appliqué qu’il est déjà amendé, les plus gros projets faisant office d’exception, les lobbys comme le Medef n’attendant que la disparition des dernières barrières. Car derrière ces grands principes, on accélère l’implantation des projets catégorie par catégorie, on créé des exceptions, des sites clés en main pour industrialiser, des projets agricoles pour irriguer, des énergies renouvelables qui impliquent de déforester.
Ces projets dont les récentes réformes lèvent les barrières et conditions que posaient le droit de l’environnement accélèrent une réalité dystopique : rogner sur les espaces naturels, faciliter la destruction des espèces protégées, épuiser les nappes phréatiques, polluer les cours d’eau, déforester. C’est la réalité derrière la contraction des temps de procédure, la facilitation des implantations des fermes-usines et mégabassines, l’abaissement des seuils des installations classées permettant la multiplication des usines, entrepôts et carrières.
Ce sabordage se fait au détriment de l’environnement, c’est certain, mais aussi et toujours en défaveur des mêmes populations, aggravant encore les inégalités climatiques. Par ces réformes législatives complexes et difficilement appréhendables, on accélère et permet plus de particules dans l’air, de pesticides dans l’eau, de chaleurs urbaines insurmontables. Cette accélération est toujours au profit des intérêts privés, souvent des plus aisés, et cela sur la santé des ouvrier·es, des agriculteur·rices et des riverain·es des sites pollués.
L’incompréhension et le découragement grandissent face à ces réformes, les chantiers illégaux sont régularisés et le juge n’est plus qu’un régulateur qui permet encore et encore de parfaire un dossier, dont les recommandations ne seront jamais suivies. Au sein des tribunaux, les délais d’examen des recours s’éternisent, les sursis à statuer se multiplient, offrant un blanc-seing aux projets destructeurs. Pendant ce temps, les chantiers avancent, rendant les atteintes à l’environnement irréversibles.
Les régularisations s’enchaînent sans fin, permettant aux porteurs de projet de contourner indéfiniment les règles, de combler chaque faille juridique au fil des contentieux, jusqu’à ce que tout soit bétonné. Et même lorsque la justice tranche en faveur de la protection de l’environnement, combien de décisions restent inexécutées ? Combien d’arrêtés annulés continuent de produire leurs effets sous couvert d’un nouveau texte rédigé à la hâte ? Combien sont simplement régularisés ?
Les associations vivent des attaques et celle-ci en est une. Nous n’avons plus d’outils, les populations ne comprennent plus du tout ce droit qui a toujours été complexe, la voie est ouverte et même les plus courageux et tenaces d’entre nous sont en train d’abandonner.
Le droit de l’environnement n’existe plus, il ne faut pas se leurrer ; ce droit d’autorisation, de dérogations, d’adaptation à la marge, de dossiers à compléter mais jamais à justifier est devenu l’enrobage réglementaire du droit à polluer.
Retrouvez la liste des signataires de cette tribune sur ce lien.
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