Expliquer ce qu’est la décroissance est une tâche difficile. Non pas parce qu’il s’agirait là d’une idée particulièrement compliquée, mais parce que le concept est défiguré en permanence par une armée de commentateurs soit mal informés, soit mal intentionnés – et même, bien souvent, les deux. Apologie de la récession par-ci, appauvrissement général par-là, la controverse fait rage et les malentendus fusent, au grand dam des quelques spécialistes du sujet qui peinent, les rares fois où l’on pense à leur donner la parole, à répondre, rectifier et expliquer simplement ce qu’est (et surtout ce que n’est pas) la décroissance. La décroissance froisse et angoisse : c’est une « utopie dangereuse » (Bruno Le Maire), une « idée folle », un « discours alarmiste ». Ceux qui osent en parler énervent, et l’on n’hésite pas à qualifier ces « thuriféraires de la décroissance » d’« extrémistes verts », de satanés « doctrinaires opportunistes » colportant leurs « balivernes punitives » (Luc Ferry). Certains crient au « désastre vert » ou à « l’arnaque économique », quand d’autres s’opposent bec et ongles à ce qu’ils considèrent comme une « stratégie irresponsable », une logique « restrictive et contre-productive ». En un mot, une « misère » (Nicolas Bouzou). La décroissance, manifestement, peine à convaincre, et ce, pas uniquement dans les cercles les plus libéraux. Ainsi, les écomodernistes...